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Algerie-Francaise
 
 
 

La Cendre Et  La Braise
de Gérard LEHMANN
Editions SDE
147-149, rue Saint Honoré 75001 Paris
Partie 3

 

Cependant, une première fausse note s'était fait entendre lors du quatrième voyage de De Gaulle en Algérie. On ne trouve plus dans ses discours la métropole et l'Algérie, mais la France et l'Algérie, non plus la fusion mais la solidarité étroite avec la métropole, un glissement sémantique largement commenté par la presse nationale et internationale. On y verra le premier signe d'un processus déclenché au sommet de l'Etat, d'une série d'actes et de déclarations qui aboutissent naturellement au discours sur l'autodétermination. On pourra faire le compte rendu des étapes d'une habile stratégie que l’on pourrait énumérer comme la politique du chien crevé au fil de Veau, des confidences de bouche à oreille en cascade ou de la roue libre, ou de l'art de relancer la dynamique en marquant contre son propre camp, peu importe, et je n'en ferai pas ici le détail. Mais ce qui importe c'est le glissement du rôle de guide vers celui d’ arbitre (les mots sont de lui). La virtuosité du personnage est telle qu'elle circonviendra pendant longtemps des acteurs de premier plan comme Soustelle ou Salan, ils le reconnaîtront eux-mêmes. Ce que vise De Gaulle, c'est un effet de retardement qui anesthésie, divise, rend incertains les tenants de l'Algérie française. L'armée sera la grande vaincue de l'épopée algérienne: non pas vaincue militairement, non pas vaincue sur le plan de l'intelligence. Car elle saura assurer la pacification et le rapprochement, si on lui en laisse la chance. Elle est celle dont Hélie de Saint Marc disait:

En fait, notre génération de soldats s’est trouvée engagée aux avant-postes de l'Histoire. Elle a rencontré le nazisme, l'émergence du tiers monde, la montée des jeunes nationalismes, la formidable poussée du communisme en Asie, le réveil du fondamentalisme religieux, le terrorisme et les formes nouvelles de la guerre. Elle s'est impliquée totalement dans les missions qui lui étaient confiées. Elle a rêvé d'une décolonisation qui ne soit pas une déchirure, mais une nouvelle alliance (cité dans Laurent Beccaria : Hélie de Saint Marc, Paris Perrin 1988 p.289).

Je prendrai comme exemple de cet art du faux-semblant la nomination de Michel Debré au poste de Premier ministre; quelque peu virtuel, sans doute, car il n'aura jamais l'autorisation de remplir le rôle défini par la Constitution et se contentera d'être un garant avant d'être un otage consentant, certains parleront de masochisme; mais intéressant tout de même, car nous avons devant nous un défenseur acharné de l'Algérie française, qui écrit beaucoup, qui parle beaucoup, avec une fougue remarquable. Et là je n'évoque pas seulement le chevalier du Courrier de la colère, le journaliste de Carrefour, mais ce qu'il a pu dire ou écrire comme Premier ministre. Les documents sont nombreux, et je renvoie aux pages 295-300 de l'ouvrage déjà cité de Philippe Tripier pour plus de détails. D'une anthologie qui serait bouffonne si elle n'avait pas été la source de tant de sang et de malheur, je tirerai les citations suivantes :

La France ne peut pas abandonner l'Algérie. La France ne doit pas l'abandonner et ne l'abandonnera pas (26-1-1959, TV canadienne).

L'Algérie est terre de souveraineté française, ceux qui y vivent sont des citoyens français. [..] Et ce sont de pauvres esprits qui s’en vont, dans les journaux, chercher je ne sais quelle différence entre la pensée du chef de l'Etat et la pensée du gouvernement qu’il a nommé. [...] Qui peut douter, sinon de mauvais esprits ayant des arrière-pensées, de la résolution du général de Gaulle? (8-3-1959, Palais d'Été à Alger).

On ne peut envisager une séparation de la France et de l'Algérie (22-3-1959 Constantine).

Il y a en Algérie des millions de musulmans fidèles à la France, citoyens français, il y a des centaines de milliers de Français d'origine. Notre honneur est attaché à leur avenir de citoyens libres [...] (23-6-1959, Sénat)

Et cetera. Debré est en prise, il l’est depuis sa déclaration initiale au Parlement.
De Gaulle, lui, est en roue libre... Il laisse dire. Entre l'équivoque voulue et l'impuissance à diriger l'événement, chacun fera son
choix. Il lui échappera cependant une parole de vérité.

Au député Laradj dont une dizaine de parents ont été égorgés, qui fait part à De Gaulle de son inquiétude sur l'avenir de la minorité :

«
Mais, mon général, nous souffrirons !

Eh bien! Vous souffrirez !
 
(cité par Jacques Soustelle entre autres,op. cit. p. 153).

Les grenouilles avaient demandé un roi. Elles l'ont eu.
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L'un des réquisitoires le plus impitoyables de cette duplicité nous est fourni par Paul Henissart dans son ouvrage sur La dernière année de l’Algérie française Les combattants du crépuscule, (Paris Grasset 1970) ; dans un paragraphe intitulé « ce prince de l'équivoque », l'auteur évoque ce qu'il considère comme une énigme dans le comportement de De Gaulle. Ses réflexions, dégagées de tout esprit partisan, méritent un petit détour. Il commence ainsi :

Selon un observateur français perspicace, en 1960 de Gaulle et ses projets faisaient penser au Dom Juan de Molière qui a promis le mariage à cinq ou six femmes et doit absolument éviter de se faire prendre par l’une ou par l’autre, et il cite les opinions divergentes d'une infinité de gens comme Massu, Mendès-France, Joxe, Tricot, le général Beaufre, Harold Macmillan et cite avec un malin plaisir la longue liste de ses déclarations contradictoires et ceci de 1957 jusqu'en mars I960: L'indépendance est une folie, une monstruosité... La France ne doit pas partir. Elle a le droit d'être en Algérie. Elle y restera...

Suit un long passage dont je cite un extrait:

Souvent De Gaulle tendait une perche dans la direction du F.L.N., qu'il faisait suivre immédiatement d'un ferme appel à l'armée pour quelle accélère la pacification. Ou bien ses subordonnés faisaient des déclarations, authentifiées par l'Elysée, mais qui semblaient en nette contradiction avec ce que De Gaulle venait lui-même de dire. Ainsi, peu après son discours sur l'autodétermination, Delouvrier disait à Challe: «Je viens de voir le Premier ministre, et vous pouvez déclarer que l’armée française continuera à se battre pour que l'Algérie reste la France. C'est le dévoué Michel Debré qui était généralement chargé de faire les plus fermes déclarations sur l'Algérie française. [...] Cette propension à laisser les autres (souvent par manque d'instructions précises), mettre le cou dehors... quitte à les décapiter ensuite, n'était pas l'un des traits les plus attirants du général. [...] Christian Fouchet le dernier des représentants de De Gaulle en Algérie qui affirme que le Général ne douta jamais que l'indépendance de l'Algérie se­rait réalisée, ajoute ce détail révélateur : que le plus important pour lui était que cela fut bien fait et fait dans l'honneur.  De Gaulle voulait toujours contrôler lui-même la procédure vers l'indépendance » (op. cit.p. 393-395).

De Gaulle a un jour déclaré à Raymond Tournoux qui le relate dans Secrets d'Etat:

C'est une caractéristique très étrange de ma vie que d'être toujours obligé de combattre ceux qui ont été mes amis.

 Cette confidence pourrait être interprétée comme une boutade. Je ne le crois pas. Je pense que l'homme était à ce point aveuglé par sa gidouille et tout ce qui pouvait servir, dans cette formidable
repr
ésentation, à sa propre image, qu'il était parfaitement insensible, - honneur, morale, loyauté, intégrité, peu importe-, à tout ce qui ne la confortait point.

Azem Ouali, député, président de la fédération des maires de Kabylie déclarait le 15 août 1959:

Dans nos départements d'Algérie, où nous avions proclamé en mai notre volonté d'intégration et appelé De Gaulle pour nous aider à réaliser notre volonté d'être Français à part entière, le référendum s'est fait sur la signification : « oui à De Gaulle pour l'intégration [. . .] » La majorité s'est prononcée pour l'intégration et ne veut pas qu'on fasse autre chose.

Et le Bachaga Boualam, vice-président de l'Assemblée nationale, le 18 août 1959:

Nous, musulmans d'Algérie, nous voulons être Français. [...] nous voulons l'intégration totale.
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La rupture qui n'eut pas lieu

Lorsqu'Anne-Marie Duranton-Crabol parle de rupture en évoquant les sanglants excès des derniers mois de l'Algérie française, ne peut-on lui répondre que la rupture est déjà consommée le 16 septembre 1959, dans la mesure où De Gaulle affirmait publiquement, à travers le mot d'autodétermination, qu'il engageait un processus qui ne pouvait s'achever que par l'abandon de l'Algérie au F.L.N., et que les partisans seraient désormais en position de défensive?
Si personne, ou presque,
ne doutait que le 13 mai avait été une vraie révolution, la leçon était claire seize mois plus tard. Le mot d'autodétermination entraînait sur tous les plans, à l'O.N.U. comme dans toutes les chancelleries, en métropole comme en Algérie, parmi les partisans de l'Algérie française comme parmi ses adversaires, une indication capitale. L'autodétermination n'était qu'un mot totalement privé d'un autre sens que celui d'une rhétorique de l'abandon dans l'engrenage Algérie française / paix des braves / autodétermination / Algérie algérienne / gouvernement algérien / Etat algérien / Indépendance. Au mieux on peut dire avec Jacques Soustelle que, si la IVe République n'a pas eu de politique algérienne, la Ve en a eu trois... trois seulement?

Non, la seule rupture dont on puisse parler aujourd'hui dans le camp des fidèles de l'Algérie française est celle qui n'a pas eu lieu. L'O.A.S. n'a pas su tirer les conséquences de l'échec programmé de l'intégration qui est resté jusqu'au bout son credo, qui a déterminé sa stratégie. Renoncer à l'intégration, c'était imaginer la sécession. Après tout, puisque la France des patos et des porteurs de valise ne  voulait plus des Français d'Algérie, pourquoi ceux-ci se seraient-ils accrochés à elle ? L'idée n avait été avancée en détail par Alain Peyrefitte, brandie comme une menace par De Gaulle pour forcer la négociation, redoutée par le F.L.N. Et puis radicalement celle d'une République Française d'Algérie qui aurait regroupé sur une partie du territoire l'ensemble des Français de souche et des Français musulmans qui en auraient fait le choix. On aurait fait ce qui, en d'autres temps, avant et après le drame algérien, a été fait en d'autres lieux, en Europe notamment, sur une base aussi démocratique que possible et compte tenu des circonstances, conformément au respect et aux droit des minorités. Il aurait fallu des négociations appuyées sur la force face à un gouvernement auquel l'article 16 permettait une dérive totalitaire: répression collective, délation organisée dans l'Armée, confusion du politique et du policier, chasse aux sorcières, camps de détention administrative remplis de suspects, restrictions de la liberté de la presse, de la liberté d'opinion et d'expression, dispositions arbitraires de tout genre, viols répétés de la Constitution (comme par exemple le référendum du 8 avril 1962 sanctionné par un arrêt défavorable du Conseil d'Etat et du Conseil Constitutionnel et passible de l'article 81 du Code pénal), rien n'y manque.

Il aurait sans doute fallu l'élimination de De Gaulle: la vie d'un seul de ces dizaines de milliers de harkis, qu'il traitait injurieusement de magma, fidèles à la France jusqu'à la mort dans d'atroces tortures, ne valait-elle pas mieux que la sienne et que celle de quelques uns de ses plus remarquables serviteurs ?

Les noms de Jean Sarradet (voir le beau livre écrit pas sa compagne Anne Loesch:

La valise et le cercueil (Paris, Pion 1963)), ceux de Michel Leroy et de René Villars sont attachés à une tentative de négociation avec le pouvoir gaulliste par le truchement de René Petitbon, haut fonctionnaire à la Délégation générale en 1961. La réponse de Joxe qui discutait naguère sans état d'âme avec des tueurs en série du F.L.N. fut: on ne discute pas avec les factieux. Michel Leroy et René Villars, qui avaient passé outre aux injonctions de l'O.A.S. payèrent leur obstination de leur vie. Leur mémoire peut-être imprudente mais courageuse mérite d'être saluée. Entre la valise et le cercueil, une troisième voie existait peut-être, utopique sans doute, mais qui s'est pourtant réalisée ailleurs dans le monde. Il est certes tentant d'imaginer, à quarante ans de distance, un scénario qui n'eût pas été un scénario catastrophe, prolongeant le rêve d'une Algérie fraternelle qui aurait rassemblé, sans considération de religion, d'origine ou d'opinion politique, ceux que le combat pour l'Algérie française avait mobilisés...

 « Nostalgérie ».
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p.142 – 143  
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Contrairement à une enquête criminelle ordinaire où les services de police et la Justice poursuivent l'élucidation d'une affaire jusque dans ses plus infimes ramifications, la mission est ici d'éclairer les actes les plus voyants et le degré de participation de ses auteurs. Il est donc moins question de morale ou de justice que de prophylaxie politico-policière, que de mettre sur la touche un certain nombre de personnes opposées au processus de dégagement. L'internement administratif est un autre moyen, préventif celui-là, d'atteindre le même but. Il en était de même en Algérie pour les Français expulsés, pour les officiers mutés ou sanctionnés.

L'application de l'article 16 offre une possibilité légale (c'est du moins ce que prétend le pouvoir) de protéger le régime. Et si nécessaire, De Gaulle ne se gênera pas pour
violer une Constitution qu'il a cependant lui-même souhaitée. C'est le cas, entre autres, du référendum du 8 avril 1962 qui asseoit le crime d'État sur la lâcheté ordinaire du plus grand nombre en violant les articles 2 et 72 de la Constitution et l'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme.
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Partie 4


 
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