La Cendre Et La Braise
de
Gérard LEHMANN
Editions SDE
147-149, rue Saint Honoré 75001 Paris
Partie
2
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(Moralité et personnalité
du
général de brigade à titre provisoire
Charles De Gaulle
)
1958
et après
Les autres discours de De Gaulle à Constantine, Bône et Oran reprennent
la teneur du discours d'Alger, mais j'en citerai quand même quelques passages
révélateurs.
Constantine:
[.. ] On ne fait rien de grand sans un grand mouvement dans les âmes et dans les
esprits. Ce mouvement, l'Algérie l'a suscité. [,..]
Ce
mouvement, d'où est-il venu? Il est venu de l’âme de la France. Ce mouvement,
qui peut le faire, l'organiser, qui fait qu'il soit venu sinon la France?
Le
gouvernement de la République a donc le devoir d'en prendre acte et d'accomplir,
à partir de là, ce qui doit être fait en Algérie et ailleurs.
Je
déclare qu'il s'agit, ici, de faire en sorte qu'entre nos communautés, nos
catégories, il n'y ait plus aucune barrière.
Qu'il n'y ait plus ici pour aucune communauté, pour aucune catégorie, aucun
privilège, que les dix millions de Français qui vivent en Algérie aient
absolument les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Pour commencer, et je le précise, il s'agit que dans les trois mois les dix
millions de Français qui vivent en Algérie participent avec la France toute
entière à l'immense référendum où la France va décider de son destin.
Sur une page de texte du discours dix millions de Français
a
été répété
en
tout quatre fois.
Bône:
[...]Je viens dire à Bône — comme hier à Alger et tout à l'heure
à Constantine — que je compte sur le concours, sur la participation loyale,
honnête et décidée des dix millions de Français d'Algérie.
Je dis
à
Bône, comme hier à Alger et tout à l'heure à Constantine, que je constitue
l'Armée française — avec sa loyauté, son honnêteté et sa discipline — comme la
garantie que la parole de la France sera tenue.
Sur une
page de discours, dix millions de Français
d'Algérie a été répété trois fois.
Oran:
[…] Il faut que toutes les barrières, tous les privilèges qui
existent en Algérie entre les communautés ou dans les communautés disparaissent.
Il faut qu’il n’y ait en Algérie rien autre chose — mais c'est beaucoup! — que
dix millions de Françaises et de Français avec les mêmes droits et les mêmes
devoirs. Il s'agit notamment que, dans l'occasion immense qui va être offerte
dans trois mois à la totalité des Français, l'Algérie
toute entière, avec ses dix millions d'habitants, participe de tout son cœur,
comme les autres, exactement au même titre, avec la volonté de démontrer par là
quelle est organiquement une terre française, aujourd'hui et pour toujours!
Mostaganem enfin:
La France entière, le monde entier sont témoins de la preuve que
Mostaganem apporte aujourd'hui que tous les Français d'Algérie sont les mêmes
Français: dix millions d'entre eux sont pareils avec les mêmes droits et les
mêmes devoirs.
Il est
parti de cette terre magnifique d'Algérie un mouvement exemplaire de rénovation
et de fraternité. Il s est levé, de cette terre éprouvé et meurtrie, un
souffle admirable qui, pardessus la mer, est venu passer sur la France entière
pour lui rappeler quelle était sa vocation ici et ailleurs.[…]
Mais,
à ce que vous avez fait pour elle, elle doit répondre en faisant ici ce qui est
son devoir: c'est-à-dire considérer qu'elle n’a, depuis un bout jusqu'à l’autre
de l’Algérie, dans toutes les catégories, dans toutes les communautés qui
peuplent cette terre, qu’ une seule espèce d'enfants
; il n’y a plus
ici, je le proclame en son nom et je vous en donne ma parole, que des Français à
part entière, des compatriotes, des concitoyens, des frères qui marchent
désormais dans la vie en se tenant par la main.
[...]
Vive
Mostaganem!
Vive
l'Algérie française!
Vive la République! Vive la France!
Il est
enfin intéressant de citer quelques mots de l’ordre du jour adressé à l'Armée
par le président du Conseil sur le point de quitter l'Algérie :
Je sais l'œuvre que, sous les ordres de vos chefs, vous accomplissez avec un
courage et une discipline exemplaires pour garder l'Algérie à la France et pour
la garder française. [...]
Peut-on tirer de la consultation de ce cet ensemble homogène et sans ambiguïté
d'autres conclusions que celles auxquelles parvenaient les
foules musulmanes et européennes en Algérie ainsi que des hommes
qui avaient été partie prenante du 13 mai comme Jacques Soustelle et le
général Raoul Salan ? Peut-on faire des événements une autre analyse que
celle de Philippe Tripier dans Autopsie de la
guerre d'Algérie?
Il a été dit, notamment par Droz et Lever, qui en
font même un leitmotiv de leur commentaire, qu'il n'est pas question de
programme politique précis.
Mais, sérieusement, pouvait-on s'y attendre, au lendemain du 13
mai et dans les jours suivants, à une époque de troubles et de transition vers
une nouvelle forme de régime constitutionnel ? On pouvait certes, quand on
s'appelait Delbecque, que l'on avait été une cheville ouvrière du
mouvement, et que l’on se méfiait instinctivement de l'homme de Colombey, écrire
que l'on n’avait pas franchi le Rubicon pour y pêcher
à la ligne:
les
discours cités définissent en tout cas une orientation politique claire et
nette, qu'il s'agisse de l'intégration ou du rôle de l'armée.
Le
Vive l'Algérie française
de Mostaganem n'était pas un lapsus ou en slogan, il résumait en
les couronnant trois journées où musulmans et chrétiens mêlés, non pas seulement
à Alger mais dans toute l'Algérie, ovationnaient celui qui, après avoir libéré
la France de l'Allemand, promettait de délivrer l'Algérie du fellaga et
engageait la parole de la France.
Peut-on imaginer autre chose d'un homme qui, connaissant le poids des mots - il
s'en est assez vanté -, avait déclaré à Oran :
L'Algérie est une terre française, organiquement, et pour toujours ?
Quant
au général Salan, il ne doute pas :
Lorsque
le général de Gaulle nous quitte le 6juin au soir, nous avons tout lieu de
croire que nous avons été compris, que désormais le sort de l'Algérie était lié
à celui de la mère Patrie
(Raoul
Salan, Mémoires.
III, Fin d'un Empire Paris, Presses de la Cité, p. 1972,
p. 396).
On
comprend bien à présent pourquoi les gaullistes historiques de la première
génération, en particulier, mais aussi ceux qui ont sauté dans le train de mai
1958, alimentaires comme mystiques, ont eu si grand soin d'évacuer la plus
grande partie de cet ensemble de déclarations et
même ce qu'aurait déclaré De Gaulle à quelques gaullistes
de gauche, selon Pierre Viansson-Ponté...
Il aurait même ajouté:
Après tout, on dit bien couramment Canada français, Suisse
française.
(J.P. Tournoux: La tragédie
du général,
Paris Pion 1967, p. 289-290) raconte
même que, révisant le texte de ses déclarations, il aurait dit à ses
collaborateurs :
« Ai-je vraiment dit cela? »
Et, sur
leur réponse affirmative, concluait:
J'ai
vu un élan de fraternité réelle, provoqué d'ailleurs par l’armée, dirigé contre
les pieds-noirs, contre le statut quo... je n'ai voulu épargner aucune
chance... C'était superficiel.
Cette
dernière déclaration, si elle est vraie, ne laisse le choix qu'à deux
interprétations: soit l'incohérence radicale est due à la sénilité, soit elle
est due à la duplicité. On aurait préféré qu'il fût sénile. Il ment, en
fait. Il ne se souvient même pas d'avoir dit le contraire. Du moins il le
prétend. Fait-il de l'humour au second degré?
Dans
tous les cas, la déclaration est infamante. En l'évoquant, me revient cette
fameuse réplique de La leçon
de Ionesco, où le professeur répond à la bonne qui lui rappelle
qu'elle l'avait bien averti que la philologie mène
au pire: je croyais que tu disais que la philologie mène au Pirée...
Et il ne s'agit pas ici de mots sur lesquels on joue, sur une
scène de théâtre, mais d'une parole qu'on engage et sur laquelle on engage des
millions d'êtres humains. Il y a des paroles dont il
faut bien rendre compte un jour au tribunal de l'Histoire,
à
défaut d'une Haute Cour de Justice.
Il y a
des mots qui tuent.
Il
faut bien dire ici que dans cette affaire, si les gaullistes sont de mauvaise
foi, si De Gaulle, en engageant la parole de la
France et celle de l'Armée
pour
la
renier ensuite attente, mais sans l'écorner, à la représentation mythique de son
propre personnage, il est plus surprenant de retrouver sous la plume de Droz
et Lever l'affirmation que lorsque De Gaulle
reçoit
les pleins pouvoirs, nul ne sait quelle sera sa politique algérienne, qu’au
printemps 1958 l'équivoque est totale
(op.
cit. p. 182). pour eux, le Je vous ai compris et le reste
sont des paroles magiques dont on ne perçoit
pas le sens
(op.
cit. p. 189). Qui est cet « on »?
Même
chose quand les mêmes historiens écrivent à propos du voyage de De Gaulle
en juin 1958:
L'ambiguïté de sa politique persiste. Il ne définit aucun plan précis.
(cit. p. 191).op.
La
seule explication d'une telle insuffisance nous ramène à l'impact d'une mémoire
dominante, celle du gaullisme, sur l'écriture de l'Histoire. Je ferai ici une
parenthèse qui anticipe mes réflexions sur la mémoire et l'Histoire. Bruno
Etienne, dans la préface (Amnésie,
Amnistie, Anamnèse, Amère Algérie)
de
Algérie
1830-1962
(Paris, Maisonneuve et Larose Valmont 1999 - sous la
direction de Jeanne Causse et de Bruno de Cessole -
Collection des trésors
retrouvés de la revue des deux Mondes)
traite
de la mémoire univoque et de la mémoire exclusive. À propos de cette dernière,
il écrit :
Les
abus de la mémoire exclusive en font une forme antagoniste du rapport à un passé
qui n'a que faire de la vérité historique. La recherche historique est, elle,
fondée sur des travaux qui remettent en question l'idéologie et en cause les
faits, même les plus choquants
(op.
cit. p. 10-11).
Cette
mémoire exclusive ou dominante (nous en avons deux ici, la gaulliste et celle de
la gauche tiers-mondiste, dreyfusienne et bolchevique, la première dominant la
seconde dans la mentalité collective française, sauf dans une certaine
intelligentsia), n'a pas seulement imposé une interprétation. Elle a imposé
l'oubli et fabriqué sa propre anthologie à l'intention des historiens. Bruno
Etienne a certainement raison de dire que le devoir
de mémoire ne peut s’opposer axiomatiquement
à
l'Histoire,
mais
il faut se garder de les différencier radicalement et de négliger leur
imbrication. Contrairement à ce qu’il affirme dans les lignes suivantes, la
mémoire ne se légitime pas seulement dans la seule
mesure où
elle vise à garantir l'identité d'un groupe qui a un rapport affectif et
douloureux au passé
(op.
cit.
p. 11). La mémoire univoque s'appuie sur des témoignages et des documents
occultés, et sa fonction principale est de dénoncer et les mensonges et les
oublis de la mémoire officielle ainsi que l'écriture historienne qui en
est la vassale. L’amnésie
est tout ce qu’une société s’empresse d'oublier parce que cela la dérange dans
ses fondements
(Op.
cit. p. 13). Elle a son dynamisme, elle est bien un refoulé, avec toute la
dynamique d'un non-dit qui veut se dire, et qui vous explose à la figure, un
beau jour. Elle est « belligène », oui, elle interdit la réconciliation et avec
raison. Elle est impertinente. L'historien ne peut en faire l'économie,
car derrière l’aura affective se profile le bloc d'une autre vérité
qu'il doit prendre en compte, quitte à la contester. La mémoire
ne saurait
se substituer à
l'histoire, mais l'histoire ne saurait être, en définitive, l'édition édulcorée
d'une mémoire triomphante qui additionne les oublis commodes. La mémoire des
oubliés de l'histoire, des témoignages, des souvenirs, est essentielle, car elle
seule sait rappeler l'historien à son double devoir d'impertinence et
d'humilité. Le premier adversaire de l'historien est la mémoire officielle,
première ou seconde. Le débat effleure toutefois un autre aspect ; car au-delà
et en deçà de la mémoire et de l'Histoire, le Mythe épanouit les
cristallisations de sa toute-puissance souterraine.
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Le 29 août 1958, sur le chemin du retour de son périple africain,
De Gaulle prononce depuis Alger une allocution radiodiffusée (Radio-Alger)
dont de larges extraits méritent d'être cités, ne serait-ce que parce qu'ils ont
été généralement évacués par une Histoire gommeuse:
Par leur vote, les habitants de l'Algérie vont fournir une
réponse à la question de leur propre destin. Car si dures que soient les
épreuves où les place une
lutte fratricide, quelle que puisse être l'idée que se font les
uns ou les autres de ce que vers quoi devrait tendre le statut de leur pays, une
fois la paix revenue et les déchirements passés, les bulletins qu'ils mettront
dans l'urne auront sur un point capital une claire signification. Pour chacun,
répondre « oui » dans les circonstances présentes, cela voudra dire, tout au
moins, que on veut se comporter comme un Français à part entière et que l’on
croit que l’évolution de l'Algérie doit s’accomplir dans le cadre français.
L'évolution de l'Algérie! C'est cela qui, au temps où nous sommes, importe ici
par-dessus tout. C'est par rapport à l'obligation où se trouvent les Algériens
quels qu'ils soient et les métropolitains quels qu'ils soient de faire effort en
commun pour que ce pays devienne prospère au profit de tous ses enfants, que
l'on doit considérer aujourd'hui les perspectives politiques. Faire en sorte que
chacun accède à un niveau de vie tel que soient assurés sa subsistance, sa
dignité, sa sécurité et celle des siens, que le rendement des terres,
l'hydraulique, le reboisement, soient activement poursuivis, que bientôt, grâce
au pétrole et au gaz sahariens, s'installent les vastes ensembles industriels
qui transformeront l'Algérie, que tous les garçons, toutes les filles, de toutes
les villes et de tous les villages reçoivent enfin l'instruction, qu'une
formation professionnelle organisée développe la valeur des travailleurs, que
l'administration et la loi rendent les administrations, les cadres des armées,
les postes économiques, les professions libérales, accessibles à un beaucoup
plus grand nombre de jeunes Algériens depuis Dunkerque jusqu’à Tamanrasset,
voilà ce que commande le simple devoir humain ! [.,.].
Ces propos s'inscrivent directement dans la lignée du discours d'Oran le 6 juin
quand il parle de l'Algérie comme
d'une terre organiquement française aujourd'hui et pour toujours ;
ils précisent les conséquences sociales et économiques d'un plan
politique à la fois clairement intégrationniste et tout simplement
révolutionnaire, conforme aux visions de Jacques Soustelle et du général
Salan.
Quant à Michel Debré,
Prince de l'amnésie et Garde des Sceaux, il a commenté ainsi la nouvelle
Constitution devant l'Assemblée générale du Conseil d État:
La France
d'outre-mer comprend d'abord les départements qui font partie de la République
et ne peuvent ni ne doivent la quitter [...], qu'il
s'agisse, à notre porte, des départements d'Algérie, il n’est rien changé et il
ne peut rien être changé quant aux principes. La République n’est pas seulement
la France
métropolitaine, elle est aussi, elle est tout autant, ces
départements dont les
territoires sont français et dont les citoyens sont français.
Le
Conseil interministériel du 27 juin est, pour sa majeure partie, consacré à des
mesures sociales visant à aligner l'Algérie sur la métropole (prestations
familiales, sécurité sociale, habitat rural, formation professionnelle, action
médicale, scolarisation). Les crédits d'investissements de l'Algérie seront donc
augmentés d'une rallonge substantielle de 15 milliards de francs pour l'exercice
1958-1959, qui s'ajoutent aux 62 milliards déjà prévus pour l'équipement.
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Lors de son second séjour en Algérie, au début de juillet 1958,
De Gaulle s'exprime de la manière suivante rapportée par le général
Salan
qui l’accompagnait:
Je remercie la population de Batna de son émouvant accueil. S'il
le fallait, je sais que je trouverais ici une raison de plus d'avoir confiance
dans les destinées du pays. L'œuvre que nous avons à accomplir ici tous ensemble
est immense. En vous voyant, comme je vous ai vus fraternellement — je répète
fraternellement —je tire la conclusion que le futur vous appartient et je suis
sûr de l'avenir de Batna, de l'Algérie française et de la France.
Vive
Batna! Vive l'Algérie française !
Vive la France!
(Raoul Salan, Mémoires
Fin d'un Empire,
t. IV
L'Algérie, de Gaulle et moi 7 juin 1958 -10 juin 1960 Paris 1974, Presses de la
Cité, p. 42).
On
peut attendre qu'il évoque le référendum au cours de son voyage, et au premier
chef les réformes mises en chantier. C'est effectivement ce
qu'il fait dans son dernier discours à Alger, dont voici un
extrait :
Tout
récemment j'ai déclaré à Alger, au nom de la France, que les dix millions de
Français d'Algérie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ce soir je
proclame que la France entend mener à bien sur ce sol le vaste plan de
rénovation qui permettra d'atteindre un but dont chacun aura sa part.
Équipement, industrie, agriculture, habitat, scolarisation sont les points
principaux du plan qu'il expose en détail et qu'il reprendra plus en détail dans
sa présentation du plan quinquennal pour l'Algérie dans son discours de
Constantine (3 octobre 1958).
On
peut bien, avec Viansson-Ponté,
faire remarquer qu’il se borne
à
parler de réformes économiques et sociales, évite les sujets politiques.
Mais n'avons-nous pas ici, précisément, dans l'attente de
l'échéance décisive de l'automne 1959, l'expression d'une volonté politique
d'intégration dans les domaines économique et social où l'on pouvait agir
sans délai, en somme d'un alignement de l'Algérie sur la métropole ? Un
tel discours n'est-il pas politique ?
Certes, Viansson-Ponté
n'est pas le seul à émettre des réserves, surtout dans le camp de l'Algérie
française. Tout n'est-il pas question d'interprétation? Mais d'autre part,
n'est-il pas facile, après coup, de placer le discours de Constantine, entre
autres, comme une faille dans une
succession de glissements verbaux qui débouchent sur l'abandon au
F.L.N. de l'Algérie sans la moindre contrepartie:
A
cette question la réponse est simple et claire. Faisons un petit saut
dans le temps. La réponse réside dans
le discours que prononce De Gaulle au lendemain des Barricades (janvier
I960). Il va lui-même nous proposer son interprétation du discours de
Constantine d'une manière qui ne prête à aucune ambiguïté. Après avoir rappelé
les liens
très chers et très
vivants
qui l'unissent à l'Algérie depuis 1942 et 1958, il s'exclame:
Français d'Algérie, comment pouvez-vous écouter les menteurs et les
conspirateurs qui vous disent qu'en accordant le libre choix aux Algériens la
France et de Gaulle veulent vous abandonner, se retirer de l'Algérie et la
livrer à la rébellion? Est-ce donc vous abandonner, est-ce vouloir perdre
l'Algérie que d'y envoyer et d'y maintenir une armée de cinq cents mille hommes
pourvue d'un matériel énorme, d'y consentir le sacrifice de bon nombre de nos
enfants, d'y consacrer cette année même, des dépenses civiles et militaires d'un
millier d'anciens milliards, d'y entreprendre une œuvre immense de mise en
valeur, de tirer du Sahara, à grand effort et à grands frais, le pétrole et le
gaz pour les amener jusqu'à la mer? [...] Comment pouvez-vous nier que toute
l'action de développement des populations musulmanes, entamée depuis dix-huit
mois, actuellement poursuivie et qui, après la pacification, devra s épanouir
encore, tend précisément à créer de multiples et nouveaux liens entre la France
et les Algériens ?
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Partie
3
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