EXTRAITS
RELEVÉS DANS LE LIVRE
“DOSSIER B… COMME BARBOUZES”
de Patrice CHAIROFF
- AM éditions.
|
Les barbouzes ? Vous avez dit
barbouzes?
(Avant, Pendant et
Aprés...)
Roger Frey,
alors ministre de l'Intérieur.
Déclaration devant l'Assemblée nationale le 7
mai 1966.
"Qu'est-ce qu'une police parallèle ? Si
l'on veut dire une police non intégrée à la hiérarchie traditionnelle et
réglementaire de l'Etat, qui instrumenterait illégalement et clandestinement,
alors j'affirme solennellement une fois pour toutes - qu'il n'y a pas de
police parallèle et qu'il faut que cessent ces calomnies odieuses, ces
racontars déshonorants, ces histoires de barbouzes, qui, n'ont même plus le
mérite d'être drôles.
Il faut que le pays sache qu'il n'y a en France
que les forces régulières de la Sûreté Nationale, de la Préfecture de
Police et de la Gendarmerie Nationale ».
Durant les dix premières années de son
existence, c’est-à-dire de 1958 à 1968, le Service d’Action Civique eut
l’appui total de Roger FREY qui régnait sur la place Beauvau
……. Sans équivoque, Roger Frey, cet "aventurier, qui aurait
un excellent tailleur", dirigea la lutte entreprise contre I'O.A.S., tant
en Algérie qu'en métropole, avant d'assurer, au lendemain de l'indépendance
algérienne, la couverture du S.A.C. dans toutes ses activités para-légales,
et à l'occasion franchement criminelles.
Les porteurs de la carte tricolore du Service
d'Action Civique bénéficieront toujours de la mansuétude de la place
Beauvau (siège du ministère de l'Intérieur, dont Frey fut le
titulaire du 7 mai 1961 au 6 avril 1967).
---==oOo==---
." Raymond Marcellin, alors
ministre de l'Intérieur à R.T.L, le 7 juin 1969.
"Les barbouzes ? les polices parallèles ?
C'est une légende qui a la vie dure. Pour ma part, je n'en tolérerai aucune."
---==oOo==---
Georges Pompidou
réponse à une question écrite de André Davoust, député de la
Mayenne.
“... Il convient de mettre un terme avec la
plus grande netteté, aux insinuations scandaleuses selon lesquelles le
Gouvernement entretiendrait et emploierait des polices parallèles....”
Ce qui permet à Alain Dugrand et Jean-paul
Riton, les deux journalistes marseillais de Libération de conclure :
Par quel heureux hasard un groupe
para-militaire de plusieurs dizaines de personnes a-t-il pu saccager les
Locaux du journal Libération et déambuler en plein centre de Marseille
pendant six heures sans que les forces de police ne les signalent ou ne les
interceptent ?
"... Evidemment, c'est Pompidou qui a
raison. Il n'y a pas de polices parallèles en France. Et il n'y a pas de
collusion entre ces milices et les services officiels. Autrement dit Pompidou
est un menteur ..." (Libération du 25 mars 1974).
---==oOo==---
Dans les Bouches-du-Rhône, Charles Pasqua
a préparé le 13 mai 1958 en groupant autour de lui une poignée d'hommes
décidés. bien armés, anciens du R.P.F., gaullistes bâtis à chaux et à
sable, qui passent dix jours dans les caves de la place Félix-Baret, à
Marseille, dans l'attente du mot de code "Résurrection" qui
leur donnerait le feu vert pour la prise d'assaut de la préfecture. La
victoire assurée, Charles Pasqua amène au S.A.C. tous ces hommes dont
il fait des chefs de groupe. Jean Lucchinacci, Gilbert Vaniers Ange-Félix
Calzi, Max-Antoine Orsoni, Jean Pinelli, constituent ainsi l'armature
autour de laquelle se groupent bientôt des hommes aussi divers que Paul
Gaillet, futur secrétaire fédéral de I'U.N.R., Gérard Kappé,
Bernard Masiani, André Mouton et d'autres de moindre envergure
“En une heure, je peux
mobiliser deux mille homes armés à Paris”, déclarait Charles
Pasqua (co-fondateur du SAC) au cours d’une réunion des chefs de groupe
tenue à Paris en février 1970.
---==oOo==---
Créé en 1947 par le Général de Gaulle,
à l'aube de la guerre froide, le Rassemblement du Peuple Français, ou R.P.F.,
bénéficie immédiatement d'un recrutement très éclectique d'anciens et
authentiques résistants fascinés par la personnalité de leur chef,
démobilisés et déclassés, inaptes à toute réinsertion, purs aventuriers
à l'affût de nouvelles possibilités.
Face à un prolétariat sorti épuisé de la Deuxième Guerre mondiale, mais
organisé et demandant des comptes, ces petits groupes demeurent disponibles
pour faire le coup de poing. voire le coup de feu, et jouer le rôle de bandes
anticommunistes : "Une mythologie complaisante voudrait les faire
passer pour des marginaux, des révoltés, des hors-la-loi ": il
n'y a pas plus assimilés, plus fervents adeptes du système économique en
vigueur, meilleurs défenseurs de l'ordre.
(3) Alain Jaubert, . Dossier D... comme Drogue, Editions Alain Moreau, 1973.
Le R.P.F. organise, le 7 avril 1947. un grand
meeting à Strasbourg au cours duquel de Gaulle déclare qu' "il
est temps que s'organise le Rassemblement du Peuple Français qui, dans le
cadre des lois, va promouvoir et faire triompher par-dessus les différences
des opinions, le grand effort de salut commun et de réforme profonde de
l'Etat". L'organisation du R.P.F.
reflète ce souci de couvrir l'ensemble des domaines qui affectent la vie
sociale, économique et politique.
En ce printemps 1947 où le tripartisme (groupant
démocrates-chrétiens, socialistes et communistes) est vacillant, c'est cet
" ordre" que recherchent les puissances occidentales.
Le R.P.F. ne sera pas un parti politique classique mais bien un rassemblement
populaire qui va constituer pour toute une période le pôle quasi exclusif de
l'opposition de droite, quelquefois d'extrême droite. Dès les débuts du
mouvement, son chef, le Général de Gaulle, abat les cartes à
Chambéry, le 19 septembre 1948:
"... Nous sommes en marche pour prendre la place de
ceux qui nous gouvernent..."
Il s'agit fondamentalement pour de Gaulle
de créer un groupe de pression à son service.
Pour assurer cette prise du pouvoir, il faudra mener une offensive sur trois
fronts : l'action politique, domaine réservé du général, la constitution
de groupes d'action largement subventionnés par les magnats de
l'industrie, disposant d'armes et de moyens de transport pour leurs
expéditions punitives, et le noyautage des services essentiels de l'Etat.
Le Général de Gaulle paiera de sa
personne, s'employant à discréditer la IVème République afin de hâter
l'heure de la relève. Pour les basses Oeuvres, il délèguera ses pouvoirs à
une équipe d'hommes liges qui ne le quittera guère durant l'aventure du
R.P.F., la "traversée du désert", la tragédie algérienne et les
derniers soubresauts du règne et dont il finira par être le prisonnier en
raison même des secrets partagés.
…
…
Il s'agit en fait de mettre au point un
système qui double le pouvoir légal et soit toujours prêt â accéder à la
direction des affaires.
Des rumeurs ont fait état, à l'époque, de la formation d'un "shadow
cabinet", cabinet fantôme plusieurs fois remanié et prêt en permanence
à "assurer la relève", principale préoccupation de de Gaulle
et de ses amis politiques.
Le SO (Service d’Ordre) assure non seulement
la police intérieure du mouvement gaulliste mais pratique également une
politique de harcèlement des mouvements de gauche.
Les militants du Parti Communiste, qui vendent à la criée l’Humanité
Dimanche, sont traqués et rossés par des commandos qui n’hésitent guère
à faire usage de leurs armes.
Quant à Dominique Ponchardier, le
responsable du Service d'ordre du R.P.F., il est le frère de l'amiral
Ponchardier qui se rendit célèbre durant la guerre d'Indochine par les
méthodes inhabituelles et "musclées" de ses commandos. Sous le
pseudonyme d'Antoine Dominique, et dans la série des "Gorilles",
parue chez Plon, Dominique Ponchardier a romancé certaines des
aventures du S.O, du R.P.F. Romancé et moralisé, bien sûr !
C'est à cette époque. au printemps 1947,
qu'apparaissent les premiers adjoints de Dominique Ponchardier, en
particulier Roger Frey (alors adjoint au responsable national du
Service d'Ordre du R.P.F.), Paul Comiti qui devint le garde du corps du
Général de Gaulle, Mathieu Mattei, cousin d'Alexandre Sanguinetti,
Roger Barberot, Philippe Berrier, Paul Chassin et Jean Bernasconi, futur
député U.D.R. La même année, Marcel Francisci apporte le concours
actif de ses nombreux amis corses qui trouvent dans les activités musclées
du R.P.F. un exutoire à leur dynamisme.
Toujours en 1947, Jacques Foccart devient le responsable du R.P.F. pour
neuf départements de l'Ouest, un département du Nord et les Antilles.
Le S.O. du R.P.F. dispose très tôt d'une
"Ecole de Formation des Cadres", installée à Saint-germain-en-
Laye et placée sous la direction du colonel de Rancourt, assisté du
capitaine Sambo. Un foudre de guerre, ce capitaine Sambo, et qui
ne mâche guère ses mots
" ... J'exige des membres du Service d'Ordre du R.P.F. une obéissance
aveugle et une abnégation totale. Je souhaite que l'on ait besoin de nous
très bientôt, car pour moi, j'appelle de tous mes vœux la bagarre, seul
moyen efficace pour clarifier la situation".
Certes, les cadres du mouvement gaulliste
exigent beaucoup de leurs hommes maintenus en permanence sous pression -
souvent sans raison précise - mais le trésorier n'est pas ladre et a
l'escarcelle bien remplie.
Jean-claude Maudon,
responsable du secteur du S.O. du R.P.F. de 1947 à 1949, raconte Témoignage
recueilli le 4 fevrier 1974:
"... Ancien officier de Rhin et Danube, j'avais
été démobilisé en 1946 et j'ai rejoint quelques mois plus tard Ie R.P.F.
où un ami m'a fait affecter au Service d'Ordre. En quelques mois, j'étais
devenu responsable de secteur. Je recevais chaque mois l'argent nécessaire a
la paie de mes hommes directement de mon responsable départemental. ,à cette
époque, chaque homme du S.O. percevait 12 000 francs par mois, plus une prime
do 3000 francs lorsque le mois avait été "chaud".
Quinze mille francs de l'époque, cela représente entre 2 500 et 3000 francs
1974, mais, malgré cela, je n'ai cessé d'avoir des ennuis avec mes hommes
car ils étaient sans cesse à l'affût de petits profits et n'hésitaient pas
à tomber dans l'illégalité... "
L'exemple, il est vrai, vient de haut puisque
le colonel de Rancourt est contraint de démissionner du R.P.F. en
décembre 1948 pour détournement de fonds. Il sera remplacé par Gilbert
Renault, plus connu sous le nom de " colonel Rémy ",
l'ancien chef du réseau Confrérie Notre-Dame.
Mais l'argent n'est pas et ne sera jamais - un
problème pour le S.O. du R.P.F.
Le financement est étroitement contrôlé par André Rives, dit Rives-Henrys,
puis comte Rives-Henry: de Lavaysse, futur député U.D,R., condamné en
1974 dans l'affaire de la "Garantie Foncière". Le principal
collaborateur de Rives-Henrys au sein du comité financier du R.P.F. est le
futur ministre Jacques Baumel, qui, après avoir été Secrétaire
général de I'U.N.R.-U.D.T. (1961-1963), deviendra " l'oreille du
gouvernement".
André Rives-Henrys
et Jacques Baumel feront la preuve de leur efficacité en effectuant la
liaison avec les grandes entreprises françaises et internationales qui voient
dans le R.P.F. une solution de rechange et la possibilité d'orienter vers la
droite la politique française.
Dès février 1947, des contacts sont noués
avec des personnalités aussi diverses que Noël, Administrateur de
Rhône-Poulenc, de la compagnie Foncière de France et d'Esso-standard, Diethelm,
Président-Directeur général de l'Urbaine, Pierre Boisai, Président
du Bon Marche, Paul-Bernard Lebon, Secrétaire général de l'Union des
Banques, Henri Jonas, Président du Crédit Lyonnais. Pigozzi,
Directeur de Simca ou encore Marcel Dassault. dont le nom se trouve
depuis cette date intimement lié au financement des réseaux gaullistes. Rives-Henrys
et Jacques Baumel collaborent en permanence avec Richemond,
alias Bozel. fils du Vice- Président du Conseil National du
Patronat Français (C.N.P.F.), qui assure la liaison avec les organisations
bancaires Internationales comme la " Morgan Guaranty Trust ", la
"Banque Lazard Frères" la "Banque Nationale pour le
Commerce et l'Industrie" . (B.N.C.I.) ou la " British and French
Bank for Commerce and Industry ..".
Retrouvé en novembre 1973, un employé de la
"Morgan Guaranty Trust ", qui travaillait à Londres en 1948/ 1949,
devenu aujourd'hui l'un des responsables d'une banque américaine de la place
de Paris, évoque son activité de l'époque :
" ... Un pactole de trois millions de
dollars (près d'un milliard et demi d'anciens francs) avait été amassé
à Londres par le B.C.R.A.(Bureau central de renseignements gaulliste) en
dehors de toute comptabilité officielle et réparti dans différentes banques
britanniques, en particulier la " Morgan" et la
"Barclays Bank" ,.
Mon travail officiel à la . « Morgan Guaranty
Trust » consistait en la visite de nos succursales " d'Europe
continentale". A l'occasion de ces visites, je rapatriais en France et en
Suisse des devises fortes que je remettais à des personnes de confiance du
Service d'Ordre du R.P.F.
La sortie d'Angleterre - malgré un régime sévère - ne posait aucun
problème car nous étions couverts par l'Intelligence Service.
Les amitiés nouées au combat clandestin
durant la guerre étaient encore vivaces...
En ce qui me concerne, plus de 600,000 dollars (près de trois cents
millions d'anciens francs) ont transité par mes soins...".
Cette masse financière permit au S.O. du R.P.F. de s'équiper de belle façon.
Selon Claude Angeli et Paul Gillet ("La Police dans la
Politique" Grasset Paris) il..." comprenait 16.000
hommes, plus un certain nombre difficilement appréciable de nervis recrutés
dans le Midi et des effectifs relativement importants dépendant du ministère
de la Défense Nationale ".
Ma propre enquête, effectuée directement
auprès des intéressés, donne des résultats à peu près identiques mais
permet de cerner avec plus de précision le nombre des marginaux récupérés
et la répartition très inégale de ces forces par régions. C'est ainsi que
l'Est et le Midi de la France constituent de véritables
pépinières pour le S.0. du R.P.F. dont les actions se situent, dans le
meilleur des cas, à la limite extrême de la légalité.
A Marseille, par exemple, les hommes d'action de Simon Sabiani, chef
local du " Parti Populaire Français " de Jacques Doriot,
rescapés de l'épuration ou reconvertis à l'aide de faux certificats de
Résistance, sont récupérés. Au " Bar des Amis", boulevard de
Paris, l'officine de recrutement de I'A.O.P. fonctionne à plein. Claude-Laurent
Massiani, Gilbert Faucheron et Jean-Marcel Laurent sélectionnent
les candidats, et assurent les premiers frais, Claude-Laurent Massiani,
qui exploite un restaurant réputé à Thionville. raconte :
" ... Je vous parle d'autant plus
librement de cette période que j'ai totalement rompu avec mes anciens amis et
que les faits sont amnistiés depuis longtemps! Vous savez, nous avions besoin
d'hommes sûrs, décidés ayant fait leurs preuves, alors on ne pouvait pas se
permettre d’être trop regardants.
Si le gars était qualifié, pas de problèmes. S'il était vraiment trop
marqué dans la région, et c'était souvent le cas pour les mecs de Sabiani,
on lui établissait un certificat de Résistance sur un réseau bidon, ou dont
les archives étaient incontrôlables, et on l'expédiait dans une autre ville.
Pour ce que nous coûtaient les certificats de Résistance . ! Ils étaient
imprimés en Belgique et on les recevait par rames entières... Certes, on a
eu quelques pépins, notamment avec quelques gars qui ont fini avec Loutrel
(Pierrot le Fou), mais d'une façon générale les bavures ont été
limitées. Nos meilleurs résultats, on les a obtenus avec les types du port.
les dockers, les manœuvres. Des types durs, du solide. Chers, mais du solide
et on s'en foutait car les caisses étaient pleines !..."
C'est avec ces hommes de main que le S.O. du
R.P.F. se lance à Marseille, en octobre 1947, dans la bataille pour les
élections municipales. Et celle-ci est chaude ! Michel Carlini,
avocat, est le candidat du R.P.F. contre Jean Cristofol, communiste et Gaston
Defferre, socialiste.
La campagne électorale est d'une brutalité rare, reléguant loin derrière
la sauvagerie légendaire des réunions publiques du doriotiste Simon
Sabiani.
L'avocat Carlini n'est guère difficile
sur le choix des moyens, il ne l'est pas non plus sur celui des hommes.
A Marseille, on retrouvera les cadres du SO du RPF dans toutes ces activités
illégales, mais également dans la Police Judiciaire, les Renseignements
généraux, la D.S.T., le S.D.E.C.E. ou les réseaux Foccart.
En 1947, apparaissent les premières
escarmouches de la " guerre froide ", qui va marquer tous les
rapports internationaux au moins Jusqu'en 1954, année des accords de Genève.
En France, le tripartisme regroupant socialistes, communistes et
démocrates-chrétiens du M.R.P., éclate. Le Parti Communiste est exclu du
Gouvernement ; la S.F.I.O. développe son anticommunisme, et c'est la scission
syndicale de Force Ouvrière, favorisée par les influences américaines.
A Marseille, éclate une grève insurrectionnelle brisée par le ministre
socialiste de l'Intérieur, Jules Moch. C'est dans cette ambiance que
les élections vont se dérouler.
Les élections municipales marseillaises
d'octobre 1947 devaient être gagnées par les gaullistes. A tout prix, comme Jules
Orsini le confirme :
"...Les consignes de Paris étaient
formelles : il fallait gagner, et nous étions directement intéressés à
la réussite. Alors, on a réuni les amis, les amis des amis et on leur a
annoncé la couleur : les réunions, vous les virez à la matraque, si la
matraque ne suffit pas, vous sortez les Sten (pistolet mitrailleur anglais).
Si on est élu, on se charge de la couverture
et de votre avenir. Si on est battu, on vous évacue...
Il y a eu de la casse. mais on a été élu..."
…
…
A l'automne 1948, après une série d'attentats, d'échanges de coups de feu
qui firent trois morts et plusieurs dizaines de blessés, le S.O. du R.P.F.
n'hésite pas à déclarer dans un communiqué daté du 1er octobre :
" ... On est déjà sorti de la
légitimité ; si les communistes revenaient au gouvernement, on achèverait
de sortir de la légalité ... "
Entre deux menaces, le S.O.. du R.P.F. poursuit
le noyautage de l'appareil d'Etat. Trois objectifs prioritaires : la police,
l'administration et l'armée.
L'artisan du noyautage de la police est le
commissaire Jean Dides, que ses hommes appellent affectueusement "
le grand Dides ". Entré dans la police comme agent en uniforme en 1936, Jean
Dides devient inspecteur des Renseignements généraux en 1938.
Dides devient le théoricien de la lutte
anticommuniste menée par le S.O. du R.P.F., car le mot d'ordre essentiel
reste : casser les rouges.
Les textes de formation des militants sont pour
le moins élémentaires ; "Nous voulons considérer
que le Parti Communiste, danger national, doit être détruit. Nous voulons
l'éclatement de son appareil, de ses moyens et, le cas échéant, de ses
chefs de plan national ...
La France aurait dû : ou détruire le
communisme, ou construire une contrepartie, c'est-à-dire un appareil adverse
capable de contenir, et même de vaincre son appareil ...
On parle souvent, en temps de légalité, de l'appareil clandestin du Parti.
Il faudrait s'entendre sur ces mots : l'action
communiste est toujours illégale, puisqu'elle tend au renversement du régime
... en tant que telle, elle est subversive et elle ne doit de pouvoir
s'installer et travailler "en paix" qu'à la faiblesse ou à
l'incompréhension de ce régime ...
Le R.P.F. est le principal obstacle à tout
mouvement insurrectionnel révolutionnaire émanant des staliniens ...
Le Service d'Ordre du R.P.F. est le meilleur
bastion contre toute tentative de force de l'extrême gauche ..."
Quant au contre-espionnage, la Direction de la
Surveillance du Territoire ou D.S.T. est dirigée par Warin, dit Roger
Wybot, qui place aux postes clés les hommes des réseaux gaullistes. Jacques
Foccart, alias Binot, immatriculé dès 1942 comme "agent
action" du B.C.R.A., est promu "chef de mission de première classe"
en 1944 dans la même organisation, assimilé au grade de lieutenant-colonel.
Le rôle de Jacques Foccart, qui à l'époque porte toujours son
patronyme originel de Koch, dans le noyautage et l'infiltration de
l'appareil d'Etat, s'avère déterminant.
Parallèlement son influence grandit au sein du S.O. du R.P.F., puis du R.P.F.
tout court. Il devient successivement Président de la Commission des
Territoires d'outre-mer du R.P.F. en 1948, puis délégué national du R.P.F.
pour les territoires et départements d'outre-mer en 1949, et finalement
Secrétaire général adjoint du R.P.F. en 1952.
Sous l'influence combinée de Jean Dides
et de Jacques Foccart, le S.O. du R.P.F. va mettre en place une
structure départementale extrêmement élaborée. Aimé Pieri, qui
procéda à l'installation du S.O. du R.P.F. dans le département des
Bouches-du-Rhône, témoigne:
"...Nous avons mis en oeuvre des moyens
très importants car, suivant les instructions de Paris, il s'agissait
de mettre au point une véritable organisation parallèle susceptible
en cas de troubles de pallier à (sic) l'arrêt des services publics.
Nous avons donc installé un réseau complet de transmissions à l'échelon
départemental à l'aide de matériel américain ; chaque groupe d'action
disposait d'émetteurs-récepteurs SCR 300, les groupes étant reliés entre
leurs divers éléments avec des SCR 536- 511. En outre, à la fédération
départementale, nous disposions d'un émetteur qui permettait des liaisons
grandes distances. Sur le plan armement, nous n'avions aucun problème car la
Libération était toute proche. L'essentiel du matériel était constitué
par des mitraillettes Sten, Thompson et Schmeisser, des pistolets Colt 45,
P-38 et Luger, des fusils mitrailleurs Bren, B.A.R. et M.G. 42 et des grenades
à profusion.
Les transports revêtaient pour nous une grande importance et chaque groupe
disposait d'un dépôt de carburant très important ...
Pour nous, pas de problèmes, l'argent coulait
à flots et nous étions prêts à sortir de la légalité pour descendre dans
la rue ...
Le recrutement n'était pas gênant car nos
hommes étaient bien payés et nous disposions d'assez d'idéalistes pour
encadrer ces mercenaires, car il faut employer le mot, il ne s'agissait que de
mercenaires ...
Souvent, nous avons regretté de n'être pas
descendus dans la rue à la fin des années quarante, on aurait réglé le
problème communiste et on aurait évité pas mal de casse, notamment
l'Algérie et 1968 ...
Oui, je vous assure que si j'ai des regrets
pour l'action passée, je n'en ai qu'un et c'est bien que le patron, le
général De Gaulle. ne nous ait pas donné le feu vert ».
…
…
Un autre responsable du S.O. du R.P.F. de Nice décrit ainsi l'organisation
mise au point dans sa ville par Philippe Alfonsi, le chef local des
groupes "action" :
…
. ... « Et je vous dirai que ce travail, qui est somme
toute fastidieux, nous a été extrêmement utile dans les années qui ont
suivi le retour au pouvoir du Général De Gaulle ...''
Dans ce fichage systématique on retrouve une
constante des réseaux gaullistes animés par Jacques Foccart, qui en
outre fera dresser un fichier complet de toutes les personnalités influentes.
Ces fiches contiendront les seuls renseignements qui comptent.
.......
Pour financer l'activité de ces réseaux du S.O. du R.P.F, l'argent versé
par les trusts ne suffit pas et on met au point une politique
d'autofinancement par l'intermédiaire de sociétés d'import-export du type
S.A.F.I.E.X., B.L.E.M. ou CO.RE.CO.
............
Cent bons du Trésor, vierges, sont dérobés, puis d'autres quelques mois
plus tard.
Arrêté, jeté en prison, Jo Renucci se contente de déclarer :
"... J'ai rencontré Dordain, mais
c'était pour recevoir des fonds pour alimenter la caisse d'une organisation
politique..." ;
Et il sera remis en liberté provisoire.
Une procédure, une façon d'agir, elle aussi
caractéristique des réseaux Foccart.
L'activité du mouvement gaulliste, et celle de
son Service d'ordre, décline régulièrement jusqu'en 1953.
En mars de cette année-là, le Général De Gaulle reconnaît
lors du Congrès national du R.P.F. que :
" le régime a été plus fort que nous mais que le mouvement
gaulliste existe pour être le recours du pays dans le danger ..."
Quelques mois plus tard, il donne sa fameuse
" conférence de presse de novembre " au cours de laquelle il
annonce la mise en veilleuse du R.P.F. avec une de ces formules ambiguës dont
il a le secret :
"...J'ai décidé d'arracher le Rassemblement à l'activité du
régime ..."
C'est le début de la "traversée du
désert" pour l'ermite de Colombey, mais le travail ne cesse pas
pour les activistes du S.O. du R.P.F.
Plus d'opérations coups de poings spectaculaires, mais l'intensification de
l'infiltration, du noyautage de l'appareil d'Etat à tous les niveaux afin de
préparer la venue de jours meilleurs.
Sur les bancs du Parlement, dans les couloirs
des différents ministères, par la courroie de transmission du "Centre
National des Républicains sociaux ( Nom sous lequel se regroupent les
fidèles de De Gaulle à partir de janvier 1954. Parmi les
membres de sa direction, on peut citer Frey, Debré, Chaban-Delmas (ministre
des Travaux publics des Transports et du Tourisme de Mendès France en
1954-1955 ; puis ministre d'Etat de Guy Mollet en 1956-1957 et enfin de
la Défense nationale de Félix Gaillard en 1957-1959), Christian Fouchet
(ministre des Affaires marocaines et tunisiennes de Mendès France en
1954-1955) et Raymond Triboulet (ministre des Anciens Combattants et
Victimes de la guerre d'Edgar Faure en 1955)
grâce aux hommes du R.P.F. devenus ministres ou secrétaires d'Etat, un lent
travail de sape se développe pendant quatre années, parallèlement à la
préparation du coup d'Etat militaire à Alger.
Roger Wybot
est toujours directeur de la D.S.T., Chaban-Delmas est ministre de la
Défense nationale et Léon Delbecque son "chargé de
mission", Olivier Guichard est chef des services de presse du
C.E.A. (Commissariat à l'Energie Atomique), Jacques Soustelle a été
parachuté en janvier 1955 gouverneur général en Algérie.
Pour tous les barons du gaullisme le but est précis : saper le régime et
permettre le retour de De Gaulle à la direction des affaires.
Pendant ce temps, la IVème République se
discrédite un peu plus tous les jours (Gaullistes et
communistes unirent très souvent lors forces,).
Le Général De Gaulle déclare en 1953 :
" ... Il n'y a aucun doute que la
stagnation et l'immobilisme actuel n'ont aucun avenir. Nous existons pour
être le recours du pays dans le danger ..."
Une fois de plus le S.O. du R.P.F. marche à la
pointe du combat.
Dans un ouvrage romancé (Antoine Dominique, "Le Gorille en
révolution"., Plon, Paris, 1960.), un des chefs des barbouzes gauchistes,
Dominique Ponchardier, a conté les péripéties et la préparation en
métropole du retour au pouvoir de de Gaulle. Les pseudonymes utilisés
sont transparents.
En métropole et en Algérie, Léon
Delbecque, infatigable, anime une équipe d'agitateurs gaullistes comme Lucien
Neuwirth, le colonel Thomazo dit: "Nez de Cuir ",
L'Hostis, Henri Ribeaud ou Vinciguerra, qui préparent avec
succès le coup d'Etat du 13 mai 1958.
Léon Delbecque,
l’œil des gauchistes en Algérie, effectue en cinq mois 27 fois le voyage
d'Alger, ce qui lui permet d'affirmer dès juillet 1958 :
"... Il est exact que j'ai été
l'organisateur du mouvement du 13 mai. Aux fonctions que j'occupais, je me
suis arrangé pour être au bon endroit, au bon moment, pour détourner vers
le Général De Gaulle ce soulèvement qui devait se produire".
L'activité de Léon Delbecque lui vaut
d'être surnommé "le Naujocks français" par Christian Fouchet
que De Gaulle venait de nommer ambassadeur au Danemark.
Avec le retour du Général De Gaulle
au pouvoir, ses hommes parvenus au leviers de commande vont pouvoir donner une
apparence légale aux troupes qui les ont déjà si bien servis.
1958 voit la naissance officielle et la
déclaration à la Préfecture de Police d'une association sans but lucratif.
régie par la loi du 1er juillet 1901, le " Service d'Action Civique",
association portée sur les fonts baptismaux par l’inévitable
Jacques Foccart, Roger Frey, Jean Bozzi, Dominique Ponchardier, Paul Comiti,
Alexandre Sanguinetti et Charles
Pasqua
( Jacques Foccart, secrétaire
général du R.P.F. en 1954 était conseiller de l'Union Française depuis le
10 juillet 1952.
Il devint président de la Commission de Politique Générale en 1954.
Roger Frey, secrétaire général des Républicains Sociaux depuis
1955, siégeait également à l'Assemblée de l'Union Française depuis 1952.
Jean Bozzi se trouvait dans l'administration préfectorale, Ponchardler
était responsable du S.O. du R.P.F. Sanguinetti dans les affaires (voir
" Dossier S... comme Sanguinetti ", de Jean
Montaldo, paru dans la même collection en 1973) Quant à Charles
Pasqua, Il était représentant de commerce de la société
Ricard.).
La première tâche des fondateurs du S.A.C.
est de reprendre en main les sections locales du S.O. du R.P.F. galvanisées
par la réussite du 13 mai, et de ranimer certains groupes demeurés
apathiques dans quelques départements.
En Corse, Jean Bozzi fait merveille
assisté de François d'Anfriani, de Pascal Lucchini, d'Ange
Simonpieri, de Jérôme Lucchinacci et de Pierre Mariani.
Ces six hommes se partagent le département et en font un des points forts de
la jeune organisation.
Dans les Bouches-du-Rhône, Charles Pasqua
a préparé le 13 mai en groupant autour de lui une poignée d'hommes
décidés. bien armés, anciens du R.P.F., gaullistes bâtis à chaux et à
sable, qui passent dix jours dans les caves de la place Félix-Baret, à
Marseille, dans l'attente du mot de code "Résurrection" qui leur
donnerait le feu vert pour la prise d'assaut de la préfecture. La victoire
assurée, Charles Pasqua amène au S.A.C. tous ces hommes dont il fait
des chefs de groupe. Jean Lucchinacci, Gilbert Vaniers Ange-Félix Calzi,
Max-Antoine Orsoni, Jean Pinelli, constituent ainsi l'armature autour de
laquelle se groupent bientôt des hommes aussi divers que Paul Gaillet,
futur secrétaire fédéral de I'U.N.R., Gérard Kappé, Bernard
Masiani, André Mouton et d'autres de moindre envergure.
Officiellement, le rôle du S.A.C. consiste à
protéger les personnalités gaullistes lors des voyages officiels des
réunions publiques, etc. En pratique, il en va tout autrement. Dès sa
création, il devient évident qu'il s'agit de constituer dans la coulisse
"en réserve de la République" quelques troupes de choc
susceptibles d'être utilisées en cas de nécessité.
---==oOo==---
Dès 1958, Roger Frey, Alexandre Sanguinetti,
''Dominique Ponchardier et Charles Pasqua décident de lancer le S.A.C.
dans la lutte contre le F.L.N. algérien dont la willaya métropolitaine
accumulait les actes de terrorisme. Dans l'esprit de ses artisans, la lutte
contre le F.L.N. devait s'engager sur deux plans : infiltration et répression.
Pour cette tâche, les gaullistes "purs et durs" sont à peine
suffisants pour assurer l'encadrement des réseaux. Il faut donc faire appel
à une "main-d'œuvre extérieure", c'est-à-dire recruter dans ce
qu'il est convenu d'appeler le "milieu" par l'intermédiaire
de truands partageant les mêmes amitiés politiques ou les mêmes intérêts.
L'appât est toujours le même, celui utilisé par les services spéciaux du
monde entier : aux petites escarpes, aux jeunes truands aux dents longues,
sont proposés un casier judiciaire vierge et des rentrées de fonds
maximums dans un minimum de temps. En contrepartie, on exige seulement d'avoir
la gâchette ou la matraque facile, de ne point être trop torturé par sa
conscience et d'obéir sans discuter aux ordres reçus. Le contrat est jugé
intéressant par certains, à tel point même qu'ils deviennent eux-mêmes des
agents recruteurs acharnés, n'hésitant pas à contacter en prison certains
"clients" potentiels et à les en extraire si l'agrément est obtenu,
comme l'illustre le témoignage de Jean-Baptiste C... (Témoignage
recueilli le 6 décembre 1973) :
"... Durant l'été 1958, je purgeais une
peine de prison à la Maison d'arrêt des Baumettes, à Marseille. J'avais
"pris" cinq ans et j'avais une instruction en cours pour une seconde
affaire d'attaque à main armée. J'ai été contacté par un avocat
marseillais qui m'a demandé si, en échange de ma libération, j'acceptais de
m'enrôler dans un mouvement clandestin de lutte contre le F.L.N. ... Ma foi,
cette proposition avait tout pour plaire, en tout cas pour me plaire : d'abord
je me tirais d'une situation difficile et puis les arabes j'ai jamais aimé
alors c'était tout bénéfice !... J'ai dit O.K. On m'a d'abord transféré
à Aix- en Provence, et puis à la Santé, à Paris. Là un avocat parisien
est venu me voir et m'a mis le marché en main .
Je rejoignais un mouvement clandestin, d'accord, mais qui en fait était une
sorte de police parallèle.
Notre travail devait être double : tout d'abord infiltrer les réseaux F.L.N.
en métropole en nous faisant passer pour des sympathisants d'extrême gauche,
et ensuite effectuer toutes les tâches dont la police officielle ne pouvait
se charger, en particulier la liquidation physique de certains éléments.
En échange, on m'offrait la liberté immédiate, un salaire élevé plus des
primes et, à la fin de la mission, un casier Judiciaire vierge et
l'extinction des poursuites en cours.
Quarante-huit heures plus tard. j'étais libre. Deux personnes m'attendaient
au bar "A la bonne santé", situé rue de la Santé à Paris, juste
en face de la prison. je n'eus que la rue à traverser. En fait le travail
commençait immédiatement. On m'a muni d'un faux passeport et d'un faux
permis de conduire, d'une carte de police périmée depuis six mois,
d'un permis de port d'arme en bonne et due forme valable pour un
Walther P-38, du P-38 en question avec des munitions en quantité et de deux
numéros de téléphone à Paris, l'un valable pour la journée, l'autre pour
la nuit. Je faisais équipe avec quatre autres personnes, dont une était un
inspecteur principal des Renseignements généraux placé pour la circonstance
en congé de maladie.
Notre travail n'avait rien à faire avec l'infiltration dont d'autres groupes
se chargeaient.
Pour nous. iI s'agissait de créer de toutes pièces des vendettas, des
règlements de comptes interminables entre F.L.N. et M.N.A. et de procéder à
des exécutions sommaires. En ce qui concerne la rivalité F.L.N./M.NA, rien
n'était plus facile : on arrivait le soir avec une ou deux voitures dans le
quartier arabe de la Porte d'Aix. à Marseille, ou à la Goutte d'Or ou à
Barbès, a Paris, on s'arrêtait devant un café maure repéré à l'avance et
on lâchait une ou deux grenades accompagnées de quelques rafales de
mitraillette. Ca suffisait et le lendemain les représailles commençaient
d'elles-mêmes ... Y a eu également du boulot moins sympathique.
Mais nos employeurs étaient coulants et chaque fois qu'on mettait la main sur
un collecteur de fonds, on fadait (partager) à cinq, car même le flic ne
faisait pas la fine gueule ! Et les embrouilles étaient vite réglées dans
l'ensemble. Bref, d'une façon générale, nos patrons du S.A.C. ont été
corrects à part le lait qu'on n'a jamais vu les casiers judiciaires vierges.!
En septembre 1960, on nous a dit que le boulot était terminé et on nous a
remis une forte somme en liquide, on nous a retiré les ports d'armes
et les cartes de flic périmées et on nous a laissé le flingue comme
souvenir avec en prime notre jeu de faux papiers et une carte du S.A.C.
tricolore ... Il était temps car on commençait a en avoir marre de ce boulot..."
L'activité anti-F.L.N. du Service d'Action
Civique ne dure guère en effet qu'une vingtaine de mois, à la suite desquels,
la politique du pouvoir ayant changé, il faut lever de nouvelles
troupes pour lutter contre une nouvelle subversion, en majorité européenne
celle-là : I'O.A.S. Les mêmes hommes, recrutés dans les mêmes
bas-fonds, sont réutilisés et les fonds secrets permettent de vaincre
bien des réticences.
C'est dans ce combat de l'ombre que s'illustrent le ministre de l'Intérieur
de l'époque, Roger Frey et ses collaborateurs officiels, comme Alexandre
Sanguinetti, ou parallèles, mais tout aussi efficaces, comme Lucien
Bitterlin (Animateur de l'Association France-pays Arabes et auteur de
l'Histoire des Barbouzes, 1972) Dominique Ponchardier ou Paul Comiti.
Sans équivoque, Roger Frey, cet "aventurier,
qui aurait un excellent tailleur", dirigea la lutte entreprise contre
I'O.A.S., tant en Algérie qu'en métropole, avant d'assurer, au lendemain de
l'indépendance algérienne, la couverture du S.A.C. dans toutes ses
activités para-légales, et à l'occasion franchement criminelles.
Les porteurs de la carte tricolore du Service
d'Action Civique bénéficieront toujours de la mansuétude de la place
Beauvau (siège du ministère de l'Intérieur, dont Frey fut le
titulaire du 7 mai 1961 au 6 avril 1967).
Il est vrai que les truands, bien encadrés par des militants gaullistes
dévoués, forment une police parallèle bien plus souple et bien plus
efficace que la police officielle.
Le S.A.C. participe notamment en 1963 à
l'enlèvement du colonel Argoud, à l'hôtel Eden-Wolf de Munich, à
l'affaire Ben Barka et finalement au scandale Markovitch.
En pratique, c'est l'affaire Ben Barka qui va marquer un tournant
décisif dans les activités du Service d'Action Civique.
L'enlèvement de Mehdi Ben Barka (octobre
1965) en plein Paris, et le roman-feuilleton qui s'ensuivit, provoquèrent la
mise à l'écart de toute une série de responsables des services parallèles
et la perte totale de crédibilité de la part de nombre d'autres à tous les
échelons.
Insensiblement, les chefs barbouzes du 5 de la rue de Solferino
voient leurs possibilités de pression se restreindre. Les moyens mis à leur
disposition s'amenuiser.
Leurs protecteurs et leurs commanditaires commencent à se demander s'il est
vraiment nécessaire de continuer à garder le contact avec des hommes de main
non seulement peu efficaces, mais de plus en plus gênants.
Le tournant se précise dès les premiers mois
de 1966, lorsqu'en février, Christian David, dit "le beau
Serge", abat, au bar Saint-clair, rue d'Armaille, à Paris 17e, le
commissaire Galibert, et blesse grièvement deux de ses adjoints, Gouzier
et Gibeaux.
Malgré la mauvaise volonté officielle,
caractérisée par des pressions, des ralentissements de l'enquête, des
dissimulations de dossiers, des noms qui apparaissent ( Les pressions du
Parquet et de la Chancellerie durant l'instruction de l'affaire Ben Barka
(1965) ont été rendues publiques en décembre 1974 par le Syndicat de la
Magistrature) puis disparaissent, certains policiers honnêtes vont utiliser
cette "bavure" pour mener une offensive contre ces truands qui
bénéficient d'une quasi-impunité du fait de leurs activités au sein des
réseaux parallèles.
En 1966 et 1967, les activités du S.A.C. sont
de routine : cambriolages, enlèvements, menaces de mort, tentatives de
meurtre, escroqueries, bref, rien de très nouveau.
En mai 1968, le pouvoir affolé se tourne une
nouvelle fois vers ceux que l'on désire oublier dès qu'on les a utilisés,
ceux qui savent si bien se rendre indispensables pour animer les réseaux mis
en place : Michel Debré, André Fanton, Jacques
Foccart, Dominique Ponchardier. Me Pierre Lemarchand
et consorts.
C'est avec ces hommes et leurs séides que la
France prépare ses stades cinq ans avant le Chili du général Pinochet
!
Le 13 mai 1968, une réunion extrêmement
importante se tient dans un appartement du boulevard de Magenta, à Paris,
devenu depuis une des centrales des réseaux Foccart. Y participent Jacques
Foccart, le capitaine Guillebert du S.D.E.C.E., le commissaire
divisionnaire Andérani de la D.S.T., Jean-charles Larriaga,
chargé de mission du S.A.C., et Paul Renouvin, représentant Christian
Fouchet, alors ministre de l'Intérieur. C'est au cours de cette réunion
qu'est accepté le ralliement à la cause gaulliste de divers groupes
d'extrême droite et de certains de leurs animateurs.
Des l'explosion de mai 1968, les hommes du
S.A.C. jouent à fond leur carte. A dire vrai, ils sont les seuls à demeurer
disponibles, quand les rats quittent le navire.
...
Le Service d'Action Civique se voit concurrencer sur sa droite par les "Comités
de défenses de la République". Devant cette menace, les éléments durs
du S.A.C. se font les avocats de mesures extrêmes, y compris la
transformation du service en un groupe anti-terroriste, à qui cela ne pose
pas de gros problèmes : le service "renseignements" et le service
"action", indispensables à un tel groupement, existent déjà, les
armes sont abondantes. Il suffit que l'argent afflue, que la couverture
soit efficace et le tour est joué.
Pour obtenir gain de cause, ce groupe de pression, avec Michel Debré,
Roger Frey, Jacques Foccart et Alexandre Sanguinetti à sa tête, va
répandre dans les sphères du pouvoir la thèse suivant laquelle la France
est gangrenée à tous les niveaux, et qu'il convient de trancher dans le vif
.
D'où les demandes accrues de fonds pour
financer frais de mission, voyages, stages, achats d'immeubles, véhicules,
et, but suprême, un journal quotidien plus crédible que La Nation.
Puis la tension baisse insensiblement,
l'opération stades n'a pas lieu et l'on s'achemine vers la préparation de la
manifestation "spontanée", le raz de marée gaulliste du 30 mai.
Le S.A.C., malgré de nombreuses réticences,
demeure l'enfant chéri du pouvoir, la reprise en main définitive de la
police n'étant pas assurée.
C'est lui qui a la charge de l'organisation de
la manifestation du 30 mai 1968, et plus particulièrement Charles Pasqua
et Charly Lascorz.
Succès indéniable, marquant à la fois le
retour à une situation "normale" en France, et la lin des grandes
espérances du Service d'Action Civique.
En août de la même année, un assureur
niçois, membre d'une fraction sécessionniste du S.A.C., Serge Constant,
est arrêté pour avoir passé aux Etats-unis deux chargements de drogue.
Il devait déclarer :
" ... J'ignorais que je convoyais de la
drogue. On m'avait dit que je transportais des documents du M.A.C. qu'il
fallait mettre en lieu sûr..."
Au sein de ces troupes encore mal remises du
traumatisme de l'épuration, Jacques Foccart va procéder à une
nouvelle sélection. Afin de mieux les contrôler, un grand nombre de barbouzes
sont intégrées dans différents services de l'Etat : le S.D.E.C.E. en
priorité, mais également la D.S.T. que l'on juge nécessaire de mieux
tenir à la botte. De même, les Renseignements Généraux (R.G.) se voient
adjoindre un grand nombre de "contractuels", payés sur les fonds
secrets mais disposant d'ordres de mission des R,G. en bonne et due
forme.
Ainsi, devant le danger de voir les polices parallèles remplir le même rôle
que celles qui ont facilité l'accès de De Gaulle au pouvoir, l'Etat a
préféré en assurer directement le contrôle et l'organisation.
On a pu de cette façon, en serrant les rangs, se débarrasser d'un encombrant
ramassis d'imbéciles, de truands, de brutes bavardes ou de dirigeants
mythomanes.
La tâche de la répression parallèle, prise
en charge par le pouvoir, sera confiée à l'homme fort du nouveau régime : Raymond
Marcellin, ministre de l'Intérieur.
Quant au patron, occulte mais omnipotent, du S.A.C., Jacques Foccart,
mis en alerte par l'incident Poher survenu pendant l'intérim
présidentiel au printemps 1969, Il va s'employer à redistribuer ses cartes.
Il est encouragé dans cette politique par des personnalités aussi diverses
que Michel Debré, Charles Pasqua, Alexandre Sanguinetti et même Charbonnel,
Fanton, Kaspereit. Taittinger, Lafay ou Tomasini,
qui ne le soutiennent pas par amitié mais parce qu'ils pensent que lui seul
peut empêcher la crise révolutionnaire d'aboutir.
C'est durant les huit premiers mois de 1970 que se répartissent les tâches
les plus importantes et qu'apparaissent des noms jusque-là peu connus : Gaston
Brun, alias Christian Roger. alias Maurice Boucard, alias Roger,
devient le principal responsable des réseaux financiers de Jacques Foccart.
Son champ d'activité : la carambouille.
l'escroquerie, le trafic de devises, tout un mécanisme clandestin
mis au point pour faire entrer des capitaux pleins les caisses noires du S.A.C.,
mais aussi du S.D.E.C.E. et de I'U.D.R.
La tâche de Gaston Brun est énorme car
il s'agit non pas d'assurer la survie ou le fonctionnement au ralenti des
réseaux, mais bien au contraire de permettre leur essor, en France, en
Europe, sur le continent africain - domaine réservé de Jacques
Foccart jusqu'au Canada, Indochine et Amérique du Sud.
Gaston Brun devait récupérer de l'argent, beaucoup d'argent.
Pour alimenter les réseaux tous les coups sont
bons. Il est entouré d'hommes spécialisés dans les secteurs financiers
comme Charles Beranger, Jean-Noël Touani, Christian Pradel. Roger
Cohen, Olivier Caen et Charles Orsini que nous retrouverons mêlés aux
combinaisons les plus invraisemblables susceptibles de rapporter des sommes
importantes et surtout des liquidités.
Tout cet argent est . blanchi grâce à un circuit financier devenu
classique, Gaston Brun est aussi un ami intime de Roger Delouette
et de Dominique Mariani...
L'ordinaire étant assure, et largement, le
S.A.C. lance une "opération séduction" en direction des
groupuscules d'extrême droite. But immédiat: constituer des groupes
d'étudiants modérés mais musclés afin de faire barrage au développement
du gauchisme universitaire.
Parallèlement le S.A.C. crée de toutes pièces une organisation fantôme,
I'U.N.I., ou " Union Nationale inter-universitaire". Cette politique
est largement encouragée par le ministre de l'Intérieur, Raymond
Marcellin, qui, depuis mai 1968, prend de plus en plus de place dans
appareil de l'Etat.
La collaboration directe entre le S.A.C. et des forces éparses de l'extrême
droite, que l'on tente de fédérer au nom de la "lutte contre le
gauchisme", se traduit notamment, le 23 janvier 1970, par l'appel d'Olivier
Guichard en faveur de la création de "groupes d'auto-défense"
dans les facultés, le 7 février, par la première apparition des "appariteurs
musclés" dont la brutalité deviendra rapidement légendaire ; le 28
avril, par l'adoption de la "loi anti-casseurs".
Dès son entrée en vigueur on comprend
immédiatement la raison de l'intérêt porté aux groupuscules d'extrême
droite. Ces derniers deviennent le détonateur nécessaire à l'explosion de
ce que les services du ministère de l'Intérieur appellent benoîtement des
"affrontements entre extrémistes des deux bords", ces opérations
étant immédiatement suivies d'une répression qui, grâce aux renseignement
recueillis, frappe les militants révolutionnaires.
On retrouve là le système classique :
infiltration/répression, tactique rodée tour a tour contre le F.L.N.,
I'O.A.S. et maintenant l'ultra gauche.
L'infiltration est planifiée par Charly
Lascorz au sein d'une "section anti-gauchiste" de l'E.T.E.C.
animée par Gilbert Le Cavelier.
Omniprésent, celui-ci gardera des contacts avec les divers groupuscules
nationalistes ainsi qu'avec des sections du S.A.C. ayant choisi la dissidence,
et même avec le syndicat fascisant C.F.T.
Profitant de ses contacts, il centralise les
informations sur les militants gauchistes, et effectue par la même occasion
le fichage des éléments d'extrême droite. Il est vrai que Le Cavelier
a été recruté à la même époque par les services de Foccart; ce
qui explique cette frénésie de fichage.
Il fait suivre les renseignements à
l'inévitable Me Lemarchand.
Ce dernier effectue la sélection et en
transmet une partie aux Renseignements Généraux. La D.S.T., pour sa part,
est alimentée par Francis Gemine. ancien adjudant en lndochine, membre
du S.A.C.. qui fut gérant à Versailles d'un restaurant fréquentés par les Barbouzes,
indicateurs et truands à l'époque de l'affaire Markovic.
Foccart, de son côte, en réfère à Michel Debré et ainsi
tout le monde y trouve son compte.
En fait, la période de flirt entre le
ministère de l'Intérieur et les groupements fascistes ne dure guère.
Le bouclier protecteur de la place Beauvau est
vite retiré dès que le pouvoir s'aperçoit que les groupes fascistes n'ont
réalisé qu'à moitié la besogne prescrite; la dissolution d' "Ordre
Nouveau" intervient un peu plus tard.
Ce demi-échec est l'occasion rêvée pour Foccart
de proclamer que "l'on ne pouvait faire confiance qu'à des
professionnels qui connaissent leur travail, qui reçoivent une mission et qui
la mènent à bonne fin".
Le Service d'Action Civique, dont le
Secrétaire général Debizet occupe le plus clair de son temps à
tenter de s'y retrouver dans les débris de ses archives, passe une année
1973 relativement calme, à l'exception de quelques incidents mineurs durant
la campagne électorale de mars.
Par contre, l'année 1974 est rude pour les barbouzes en général et
le SA.C. en particulier.
Le 25 mars 1974, Libération lance un pavé dans la mare en publiant un
document émanant du S.A.C. Daté du 24 mai 1968, il porte le timbre
"diffusion restreinte" et contient une liste de noms et d'adresses.
Les noms sont ceux de Marseillais à "regrouper" au stade de
l'Huveaune ou au Stade Vélodrome "en cas de clash et sur ordre de
Paris". Cette liste provient selon le document lut-même de la D.S.T. et
l'ensemble confirme qu'en mai 1968 des dispositions, ont été prises par les
polices officielles, et parallèles pour interner dans les stades, près de
mille personnes.
Le 14 mars 1974 Libération apporte la preuve
indiscutable que, loin d'être limitée à Marseille l' "opération
stades" était planifiée nationalement et produit des documents
intéressant notamment Grenoble et Lyon.
La panique gagne tous les groupes du S.A.C., le quartier général de la rue
de Solferino, remonte les filières des réseaux Foccart.
Il y a une fuite. Il faut la découvrir et la
colmater.
A Marseille, à Paris, à Lyon, à Grenoble,
les réunions succèdent aux réunions. En vain. Nul ne songe aux copies des
archives de Jean-Marie Tiné.
Personne ne pense aux centaines de documents,
aux fiches, aux talons de chéquiers, aux ordres de mission que des militants,
des chefs de groupes, des chargés de mission, ont mis à l'abri au fil des
années.
A la suite de "l'affaire des stades",
la direction du S.A.C. se devait de trouver un bouc émissaire. Ce fut Gérard
Kappé, chef régional Provence-côte d'Azur accusé en particulier
d'avoir laissé traîner des documents aussi compromettants que les listes et
le fameux ordre de mission numéro 783.
Gérard Kappé
fait donc les frais de l'opération, il est limogé. Du moins officiellement,
car l'affaire Lascorz démontre que les cadres du S.A.C. préparent
toujours très soigneusement leur sortie avec des dossiers.
Parallèlement à la publication des
révélations de Libération, la situation sociale et politique se tend. Les
membres du S.A.C. sont invités à ressortir leur arsenal afin de provoquer
les traditionnels réflexes de peur dans la majorité dite "silencieuse".
Par la même occasion, on règle des comptes : vengeance, attaques, mises au
point, etc. etc.
La découverte des coulisses de cette action
est particulièrement importante car elle démontre, de façon irréfutable,
la collaboration d'un officier de police avec un commando du S.A.C. Or cette
présence est une constante rencontrée tout au long de cet ouvrage et a
toujours été niée en haut lieu, ce qui permet à Alain Dugrand et Jean-paul
Riton, les deux journalistes marseillais de Libération, de conclure :
"... Evidemment, c'est Pompidou qui a
raison. Il n'y a pas de polices parallèles en France. Et il n'y a pas de
collusion entre ces milices et les services officiels. Autrement dit Pompidou
est un menteur ..." (Libération du 25 mars 1974).
Le député communiste des Bouches-du-Rhône, Georges
Lazarrino. membre du Comité Central du Parti Communiste français, tenta
vainement d'obtenir des informations sur l'affaire en posant une question
écrite au ministre de l'Intérieur.
Reprenant toutes les informations publiées
dans Libération et déjà fournies à la police, il s'étonnait du silence du
ministre de l'Intérieur alors Jacques Chirac - et le sommait de
s'expliquer.
Ce fut peine perdue.
---==oOo==---
Autre exemple caractéristique de la façon
dont le pouvoir gaulliste peut délibérément enliser une affaire dans un
marais juridique, faisant la preuve, s'il en était besoin, que le droit et la
justice sont sa propriété : l'affaire de la fusillade de Puteaux.
La technique demeure partout la même : d’abord
colmater les brèches pour parer au plus pressé, ensuite étouffer.
---==oOo==---
A la veille du décès du Président Pompidou
en avril 1974, la structure du S.A.C. a beaucoup évolué. La direction du
mouvement sent que le terrain n'est plus sûr et qu'il devient peut-être
indispensable de rentrer à plus ou moins brève échéance dans la
clandestinité. Une nouvelle restructuration a lieu pour permettre aux
éléments indispensables du Service d'Action Civique de s'intégrer, le
moment venu, dans un ensemble plus vaste : celui des réseaux Foccart.
Signe des temps, le Secrétaire général du
S.A.C. Debizet, se voit fort civilement prié de déguerpir des bureaux
du 5, rue de Solférino, qui appartiennent à « l’institut Charles De
Gaulle ».
---==oOo==---
Le fait est que les résultats des sondages
publiés quotidiennement sont loin de rassurer les cadres du S.A.C. dont la
nervosité croit régulièrement.
C'est durant cette période difficile que naît
l'idée d'appliquer une "stratégie de tension" comparable à celle
mise en oeuvre en Italie dès 1969 avec tout le lot des "attentats
extrémistes", des "exactions", du "vandalisme gauchiste",
des provocations permanentes soigneusement orchestrées et mises au point
depuis la centrale de Foccart, boulevard de Magenta.
...
Le plus violent de ces affrontements a pour cadre le restaurant-cabaret "Don
Camillo". La presse s'en fait l'écho: "La campagne électorale
des .S.A.C. est mal partie" .
Une réunion commune avec les C.D.R. se termine
en bagarre (Libération du 12 avril 1974) :
"Mercredi soir, le sous-sol du
restaurant-cabaret "Le Don Camillo", rue des Saints-pères,
à Paris, accueillait des hôtes de choix. En effet, c'est dans les sous-sols
du "Don Camillo" que le "Club des Vieux de la Vieille" a
son siège et ses salles de réunion.
Le "Club des Vieux de la Vieille", c'est l'Amicale des Anciens des
réseaux "Action" de la France Libre. Bref, vous voyez le genre ?
Parmi les membres, Dominique Ponchardier, le gorille, Marie-Madeleine
Fourcade, Paul Comiti et bien d'autres de plus basse volée.
Donc, mercredi soir, réunion des chefs de groupes du S.A.C., des C.D.R., en
vue de déterminer les modalités du soutien aux "candidats" de la
majorité. Etaient présents le secrétaire général du S.A.C., plusieurs
responsables nationaux et départementaux des C.D.R., un capitaine du
S.D.E.C.E., deux officiers de police de la D.S.T. et quelques gorilles
musclés. Dès le départ, l'unanimité a été loin de se faire sur la
personne de Jacques Chaban-Delmas, d'aucuns lui prédirent le candidat
"pur et dur" Christian Fouchet, d'autres encore, peu tentés
par une nouvelle campagne électorale qui risque de tourner mal pour eux,
prédiraient purement et simplement ne point y participer. Le whisky aidant,
l'ambiance a rapidement évolué et même dégénéré.
A 23 h15, les éclats de voix laissent la place
aux éclats tout court.
Une bagarre éclate, brève, rageuse. Chiaramonti dit Walter,
barbouze bien connu, se faisait ouvrir le crâne d'un coup de bouteille. Petropoulos,
indicateur de police, agent du S.D.E.C.E., barbouze du SAC,(bref tout pour
plaire) était dirigé sur une clinique privée et accueillante.
La réunion ayant tourné court, pour les raisons que l'on sait, la
barbouzerie a rejoint ses écuries respectives.
La majorité chez Chaban, quelques-uns
chez Fouchet, une minorité au "Centre des Républicains
Libres"de Bozzi.
On assure que Foccart lui-même commence
a y perdre son latin. Le latin peut-être, mais pas les pédales en tout cas
puisque sa villa de Luzarches a reçu d'intéressantes visites sur lesquelles
nous reviendrons demain ..."
Car Foccart consulte beaucoup ; le
résultat des entrevues dépasse ses prévisions les plus pessimistes.
Jacques Chaban-Delmas
courant à l'échec, les barbouzes étaient assurées de perdre sur tous les
tableaux. Il n'y a plus qu'à tirer le rideau en cas de victoire de François
Mitterrand et de l'Union de la Gauche. Quant à l’hypothèse d'un
succès de Valéry Giscard d'Estaing, elle ne réjouit guère plus car
les Républicains indépendants leur chef et leurs amis politiques ont été
traqués durant trop d'années par les hommes de Foccart. Arrive le
moment où l'on présente l'addition.
Jacques Foccart n'est pas un homme indécis. Ayant déjà évacué ses
bureaux avant que le Président intérimaire Alain Poher ne l'en
expulse, il décide de retirer purement et simplement son épingle du jeu. Il
ordonne à ses hommes de confiance de quitter le S.A.C. et de rester sur la
touche, se réservant dans les semaines et les mois à venir de les
réintégrer dans ses propres réseaux. C'est l'occasion d'effectuer une
ultime purge, Foccart laissant ainsi au Service d'Action Civique le
soin de le débarrasser des tièdes, des irrésolus, des bavards. bref des
éléments dont il était le moins sûr.
Après la victoire de Giscard d'Estaing,
l'élimination officielle du S.A.C. est à l'ordre du jour. Sans déclarations
fracassantes, sans affrontements spectaculaires, mais avec efficacité.
Définitivement expulsés de la rue de
Solférino, repoussés par Jacques Foccart, les barbouzes de Debizet
se voient retirer l'usage de leur pied-à-terre du 123, rue de Lille, Alexandre
Sanguinetti invoquant "le manque de place dans des locaux déjà trop
exigus".
C'est la débandade durant l'été 1974, Jacques Foccart a casé
certains de ses spécialistes dans le "Groupe Paladin", organisation
internationale de barbouzes, basée en Espagne, à Albuferata (El Panorama 9
E) et dirigée par le Docteur Gerhardt Harmut von Schubert, figure bien
connue du monde du renseignement international.
Ancien spécialiste du ministère de la Propagande de Joseph Goebbels,
devenu après la guerre l'adjoint du Professeur Johannes von Leers,
alias Omar Amine, installé au Caire, il sert en Argentine, puis,
après la chute de Peron (en 1953), en Egypte et en Irak.
Le groupe Paladin a l'habitude de travailler
partout dans le monde, y compris derrière les rideaux de fer et de bambou.
Comme l'affirme von Schubert :
"... Nous avons des
experts parfaitement qualifiés dans de nombreux domaines qui sont prêts à
effectuer des missions dans le monde entier ... . (Entretien prive avec
l'auteur).
Fixé à Alicante en 1971, le Docteur von
Schubert a installé une antenne à Zurich, en plein quartier bancaire,
sous le couvert d'une société de services qui fournit domiciliation,
taxiphone et télex à d'autres organismes européens ou non, spécialisés
dans le renseignement et l'action.
Il recrute très facilement des spécialistes en cette période creuse pour
les ex-légionnaires, paras, mercenaires ou barbouzes qui constituent
l'essentiel du groupe Paladin.
...
Des premiers résultats sont enregistrés, en particulier à la suite de
l'enlèvement à Neuilly-sur-seine, le 3 mai 1974, de Balthazar Suarez,
directeur de la Banque de Bilbao à Paris
--mais on manque d'hommes connaissant à fond
le terrain français.
Jacques Foccart bondit
sur l'occasion et loue à von Schubert les services de plusieurs
groupes du S.A.C., aujourd'hui sur le pavé.
A l'automne 1975, la dissolution du
"Service d'Action Civique", secoué par des luttes internes, en
butte aux tracasseries administratives, démonétisé, trop voyant et trop
remarqué, est considérée par les spécialistes comme proche.
Ainsi que le soulignait désabuse, un ancien
secrétaire général adjoint du S.A.C.. André Montini :
"... C'est Poniatowski qui va nous
donner l'estocade, c'est juste, nous aurions dû frapper les premiers
!...".
....
---==oOo==---
FOCCART L’AME DAMNÉ DE
DEGAULLE
Jacques Foccart
est né le 31 août 1913 a Ambrières-le-Grand dans le département de la
Mayenne.
Il a passé la plus grande partie de son enfance aux Antilles, en particulier
à Gourbeyre, en Guadeloupe. Il s'appelait d'ailleurs à l'époque Jacques
Koch et le nom de Foccart, qui était celui de son
arrière-grand-mère, devint officiellement le sien par décret paru au
Journal Officiel du 17 juin 1952.
D'après Georges Chiron (National
Zeitung, 4 janvier 1966), qui a connu Foccart dans les premières
années de l'Occupation :
« …Jacques Koch ne se
mêlait pas de politique ni pour Vichy, ni pour Londres, je crois que la seule
chose qui l'intéressait, c'étaient les affaires... Bien
sûr, par la suite, ça a évolué, il y avait des tas d'allées et venues à
La Touche ou à Gros-Poitou, surtout la nuit, mais il était difficile de
parler de Résistance parce qu'on voyait souvent Bousquet, Koch ou Tournet
avec les Allemands de l'Organisation Todt; ce n'est qu'en 1944 qu'on a su que Jacques
Koch était un des chefs les plus importants de la Résistance dans la
région..."
L'Organisation Todt, etait une organisation
civile intégrée à la Wehrmacht, effectua en Franœ des travaux très
importants tels que la construction des murs de l'Atlantique et de la
Méditerranée. Son chef, l'ingénieur Fritz Todt, mourut dans un accident
d'avion provoqué en 1943 par un attentat.
Dès 1942, Jacques Foccart devient un
agent matriculé du B.C.R.A., sous le pseudonyme de "Binot". Agent
actif puisqu'un an plus tard, en 1943 un réseau Action particulièrement
efficace couvre la Mayenne et déborde sur les départements limitrophes.
Cela lui vaut une promotion ultra-rapide.
En 1944, il est responsable pour les
départements de l'Orne, de la Mayenne et du Calvados du "Plan Tortue"
dont le but est de ralentir l'acheminement des renforts allemands vers les
plages de Normandie.
Le sergent-chef de 1940 est devenu chef de
mission de 1er classe du B.C.R.A., assimilé au grade de lieutenant-colonel,
ce qui représente une brillante promotion.
Mais déjà la situation de Jacques Foccart n'est pas d'une clarté
remarquable. En 1972, dans Le Crapouillot (les scandales de la Vème
République), on publie un récit - non démenti - qui éclaire le personnage.
Il s'agit d'un extrait d'un rapport adressé le 21 mai 1953 par la Police
Judiciaire de Rouen agissant sur commission rogatoire d'un juge d'instruction
d'Argentan :
"... En 1941, écrivent les policiers, M. Foccart
Jacques, 39 ans, actuellement conseiller de l'Union Française, demeurant
140, boulevard Bineau, à Neuilly-sur-seine, et M. Tournet Henri, né le 26
mars 1913, à Clermont-Ferrand, actuellement chargé de mission pour le compte
du gouvernement français en Amérique du Sud, s'associaient pour exploiter
une coupe de bois de 60 hectares, située sur le territoire de la commune de
Rânes (Orne).
Se présentant comme mandataire de la Société
des Transports Citroën, 54, boulevard Haussmann à Paris, M. Foccart
sollicitait, en 1942, M. Ferrad Joseph, 55 ans. minotier à Ambrières
(Mayenne). pour obtenir la vente d'une coupe de 100 hectares de bois que ce
dernier possédait également à Rânes ... Peu après, M. Richard,
propriétaire du château de Rânes, leur cédait également une partie de ses
biens.
Vers la fin de 1942, l'entreprise Tournet-Foccart
recevait de l'Organisation Todt, (Ce que confirme le témoignage de Georges
Chiron) une importante commande de fascines et de bois de feu pour gazogènes.
Un détachement dépendant de la Todt de saint-Malo s'installait peu après à
Rânes ..." Commentant ce passage du rapport de police, le journaliste du
Crapouillot écrit :
"... Cette enquête des policiers
rouennais concernait alors le meurtre, neuf ans plus tôt. d'un ancien agent
consulaire de Belgique au Havre, M. François Van Aerden 62 ans, réfugié à
Rânes pendant l'Occupation. Van Aerden avait été engagé par La Todt comme
interprète : "Il était ainsi à même de connaître toutes les
transactions faites par MM. Tournet- Foccart avec les Allemands jusqu'à la
Libération".
Le cadavre de Van Aerden fut découvert
le ler septembre 1944, quinze jours après la libération de la région
d'Argentan, dans une carrière, à Longé-sur-Maire (Orne).
Enlevé la veille a son domicile par des inconnus, il avait été abattu par
des balles de 9 mm, les unes allemandes, les autres anglaises. A l'époque, on
avait parlé de règlement de comptes, la victime ayant pu être l'objet d'une
dénonciation.
Une lettre anonyme ayant fait rebondir
l'affaire en 1950, le commissaire Refus concluait qu'à son avis,
"cette exécution n'avait pas pour motif un fait de collaboration, mais
que Van Aerden avait pu être supprimé du fait qu'en sa qualité
d'interprète de la Todt. il était très certainement au courant de nombreux
et importants trafics qui avaient eu lieu avec les Allemands dans la
région ...".
Représailles de résistants ? Foccart
était parti un soir en expédition clandestine dans la Sarthe, avec un de ses
employés, Roger Le Guerney. Sa voiture avait dû forcer un barrage.
Les Allemands avaient ouvert le feu ; Le Guerney avait été blessé
mortellement d'une balle dans la colonne vertébrale. L'itinéraire ayant
été fixé au dernier moment, l’hypothèse d une dénonciation fut exclue. Van
Aerden ne pouvait donc pas être tenu pour responsable de la mort du
malheureux Le Guerney.
A-t-il été exécuté parce qu'il en savait trop ?
Au cours de leurs recherches à Ranes, les
policiers rouennais devaient apprendre que les activités commerciales de
l'exploitation forestière avec l'occupant avaient fait l'objet d'une enquête
du Contrôle Economique de' 'l'Orne, après la Libération...
Foccart
et Toupet se trouvant aux armées n'avaient pu être entendus, pas plus
que Van Aerden , qui venait d'être abattu. L'absence de ce dernier
témoignage avait gêné particulièrement les enquêteurs :
« Près des services du Comité de confiscation des profits illicites de
l'Orne, il ne nous a pas été possible de connaître les raisons pour
lesquelles ce dossier avait été classé sans suite aux archives et nous
avons pu constater qu'aucune note de ce Comité n'y figurait. Il
n'en reste pas moins établi que, simplement par le fait de leurs activités
commerciales avec les Allemands, Foccart et Tournet se
trouvaient assez fâcheusement compromis et le témoignage de Van Aerden
n'aurait pu qu'aggraver considérablement leur situation, puisqu'il aurait
permis d'évaluer tous les profits réalisés par eux, non plus sur la courte
période mentionnée sur les documents retrouvés, mais de 1942 à la
Libération.
De plus, en dehors de ces profits illicites, il
semble bien que Foccart et Toupet se soient également livrés,
comme le signalait Mme Van Aerden, à certains trafics avec la
complicité de soldats et d'officiers de la Todt. D'ailleurs, ces trafics ne
devaient pas échapper aux dirigeants de la Todt de Saint-Malo dont dépendait
le groupement de Rânes, puisqu ils firent arrêter Foccart au début
de janvier 1944...
Cette arrestation de Foccart
par les Allemands pouvait être en rapport avec l'assassinat à Saint-Malo
d'un soldat allemand de la Todt de Rânes. Ce dernier, dont nous ne
connaissons pas l'identité, mais qui répondait au prénom de Paul et
qui était un fermier tyrolien, se serait rendu à Saint-Malo pour rendre
compte à ses chefs d'un manquement de 10 000 mètres cubes de bois dans
l'exploitation de Rânes.
Comme on le voit, les dirigeants de l'exploitation forestière de Rânes
avaient beaucoup à craindre d'un témoignage éventuel de Van Aerden
et son exécution ne pouvait que leur être favorable.
Cependant, au cours de notre enquête, il ne nous a pas été possible
d'établir que Foccart ou Tournet aient joué un rôle
quelconque dans ce meurtre ou qu'ils en aient été les instigateurs... »
On retrouve dans cette affaire les éléments
assez troubles d'un double jeu entre la Résistance et la Collaboration,
présents également dans la vie agitée d'autres amis de Jacques Foccart
comme Gilbert Beaujolin, alias "Caïman", ou Marie-Madeleine
Fourcade, alias "Hérisson".
Le 16 mai 1944, Jacques Foccart se rend
à la Préfecture de Police de Paris où il sollicite et obtient de
l'Administration de Vichy une autorisation "pour le commerce et le
versement de commissions d'import-export ..."
Retour à l'activité de ses débuts et point
de départ d'une gigantesque organisation qui ne cessera de se développer au
fil des années.
En 1946, il fonde la "Société Anonyme
Française d'Import-Export ou S.A.F.I.E.X., spécialisée dans les
opérations avec les pays d'outre-mer ; première d'une longue liste de
sociétés qui vont assurer l'autofinancement des réseaux, l'alimentation des
caisses noires, le financement des campagnes électorales.
Au mois d'avril 1947, il se voit confier la
responsabilité pour le compte du R.P.F. de neuf départements de l'Ouest de
la France, d'un département du Nord et des Antilles françaises. L'année
suivante, il devient président de la Commission, puis en 1949 délégué
national du R.P.F. pour les Territoires et Départements d'outre-mer.
C'est le début du "domaine réservé" de Jacques Foccart,
qui va s'étendre d'année en année.
En 1952, il est nommé conseiller de l'Union
Française, puis secrétaire général adjoint du R.P.F. avant de
remplacer, quelques mois plus tard, Louis Terrenoire au poste de
secrétaire général du mouvement gaulliste. La "traversée du désert"
commence.
De Gaulle joue les ermites à Colombey-les-deux-Eglises et les barons
s'emploient à saper les fragiles institutions de la IVème République.
Pour tous les grognards, les demi-solde du
gaullisme, il faut tenir jusqu'au retour au pouvoir du Général.
Les sociétés d'import-export du type S.A.F.I.E.X. permettent de
maintenir des agents en activité sous une couverture commerciale, d'alimenter
les caisses du mouvement gaulliste, de renseigner De Gaulle.
A l'occasion, Jacques Foccart fait profiter le S.D.E.C.E. de ses
relations et de ses filières, leur permettant ainsi de pratiquer la vieille
technique barbouzarde du "passe-moi la rhubarde, je te passe le senné".
Intime du Général, habitué de "la
Boisserie, il accompagne l'ancien chef de la France Libre d'abord en 1953,
avec son aide de camp, le colonel de Bonneval, dans un vaste périple
en Afrique, puis en 1956 aux Antilles et dans le Pacifique, avec Olivier
Guichard.
L'activité essentielle de Jacques Foccart
et des réseaux qu'il contrôle est de préparer le retour au pouvoir du
Général De Gaulle. Il joue un rôle essentiel dans le complot du 13
mai 1958 avec Roger Frey, Michel Debré et Olivier Guichard.
Ses efforts sont récompensés et, dès le mois de juin 1958, il est nommé,
à l'Hôtel Matignon, conseiller spécial auprès du Général De Gaulle,
chargé des questions africaines et de la liaison avec les services spéciaux,
en l'occurrence le S.D.E.C.E.
L'ancien capitaine de réserve de 1945 est promu, treize années plus tard,
colonel de réserve (sans avoir accompli de périodes de perfectionnement). Il
va pouvoir donner toute la mesure de son talent.
De Gaulle devenu Président de la
République, Jacques Foccart s'installe, en janvier 1959, à l'Elysée,
comme conseiller privé du Général, chargé des questions de la Communauté.
En 1960, il est nommé Secrétaire général de
la Communauté, ce qui fera dire à Georges Chaffard (Le Nouvel
Observateur, 20 octobre 1969) :
"...M. Foccart franchit un échelon
hiérarchique et n'a plus a assurer personnellement la liaison avec les
services spéciaux.
Il est passé au rang d'utilisateur du S.D.E.C.E...."
De 1958 à l'indépendance de l'Algérie (en
juillet 1962), Jacques Foccart, en collaboration étroite et permanente
avec le ministre de l'Intérieur, Roger Frey, contrôle l'activité
des barbouzes qui luttent contre le F.L.N., puis contre I'O.A.S., assure
leur recrutement, sans se montrer trop regardant sur le choix des moyens et
des hommes.
En 1959, il crée une nouvelle société': "l'Omnium National
de Représentation", dont l'objet est d'assurer directement ou
indirectement, dans les Départements et Territoires d'Outre-Mer, de la
Communauté et dans les pays étrangers, toutes opérations d'import-export,
de commission, de transit et de représentation".
Puis, dans les années qui suivent, la R.A.P.E.X.,
la PEIN.VEREX, la C.R.E.P.A.P., la BARRACUDA, la
BRE.CO., la FRI.COM.EX et une dizaine d'autres sociétés dont les
actionnaires majoritaires sont tous, sans aucune exception, des membres ou
d'anciens membres des services spéciaux.
C'est ainsi que, dans le seul conseil
d'administration de la FRI.COM.EX, c'est-à-dire la "Friperie"
Commissions-Exportations S.A.R.L.", on retrouve Dominique
Ponchardier, ainsi qu'un associé de Francis Bodenan, l'homme du
S.D.E.C.E. et le bras droit de Christian Fouchet lorsque ce dernier
luttait en Algérie, comme Haut-commissaire, contre les derniers soubresauts
de l'O.A.S.
Toutes ces firmes ont une existence
parfaitement légale quoique leurs activités réelles soient souvent très
éloignées de leur vocation officielle.
La Société BARRACUDA, par exemple, a
été créée pour vendre des filets de camouflage de l'armée, alors qu'elle
écoule en réalité ce que l'on trouve sous les filets de camouflage ; des
chars et des automitrailleuses.
Ces entreprises gravitent autour de celle qui
reste la propriété privée de Jacques Foccart : la S.A.F.I.E.X.
L'essentiel du personnel est constitué par les anciens des réseaux
"Action" de la France Libre du type B,C.R.A., des hommes du
S.D.E.C.E., du S.A,C., du S.O. du R.P.F., de la Main
Rouge, etc.
La société d'import-export, orientée vers les échanges commerciaux avec
l'Afrique du Nord, l'Afrique Noire, le Moyen-orient, les pays de l'Europe de
l'Est, est la couverture idéale des activités de renseignement.
En effet, les voyages sont permanents, leur nécessité invérifiable et il
est aisé de mêler aux contacts professionnels des rencontres plus discrètes.
Les transferts internationaux de fonds, en francs ou en devises, sont
quotidiens et difficilement repérables ; leur trajet, long et tortueux,
permet de "blanchir", de "laver" l'argent d'origine
douteuse qui sert à l'alimentation des réseaux. Pour ce faire, s'est
développé une organisation complexe mêlant sociétés réelles et
sociétés fictives dans un inextricable enchevêtrement. L'exemple du Proche-orient
permet d'illustrer comment les réseaux Foccart ont tissé une
gigantesque toile d'araignée.
Pierre-Marie de la M...,
un de ses premiers collaborateurs, a effectué plusieurs missions en Afrique
Noire entre 1959 et 1969.
Ayant quitté, depuis, l'organisation Foccart, Pierre-Marie de la M...
a été l'objet de deux tentatives d'assassinat, une à Dûsseldorf en 1969,
la seconde à Bâle en 1971. Il a accepté de témoigner (Témoignage
recueilli a Turin le 14 aout 1972) :
"... Dès son
arrivée au Secrétariat général de la Communauté, Jacques Foccart a
amené avec lui une cohorte d'hommes qui lui étaient parfaitement dévoués
... En six mois, grâce à la coopération d'autres ministères, comme celui
de l'Intérieur (Pierre Chatenet et même des Affaires étrangères (Maurice
Couve de Murville) qui avaient l'échine souple devant le Général, nous
avons réussi à placer nos hommes à tous les postes clés .., dans les
préfectures en Métropole et Outre-Mer, dans les ambassades et les consulats
à l'étranger ; nous avons réussi à implanter nos antennes ... Foccart
nous mettait sur les genoux, il travaillait dix-huit heures sur vingt-quatre
sur les réseaux et trouvait encore le temps de régler des problèmes
commerciaux ... Son efficacité était redoutable mais il était
"cash" en affaires : il ne laissait jamais tomber un de ses hommes
sauf s'il mettait en péril un des réseaux. Dans ce cas il tranchait dans le
vif ... on ne pouvait même pas lui en vouloir, car il annonçait la couleur
lorsqu'il recrutait un nouveau maillon de ses interminables chaînes ... Jacques
Foccart était vraiment né pour le renseignement, c'était sa vie, son
travail, son "hobby" ... C'est effrayant à dire mais, pour se
détendre, il lui suffisait de changer de dossier ..."
L'année 1960 est, pour Jacques Foccart,
une année décisive.
Bien installé à l'Elysée, dans l'ombre du Général
de Gaulle, il peut s'attaquer au grand dessein du Président de la
République : forger un organisme de renseignements parallèle qui
permette de doubler le S.D.E.C-E., de régler les problèmes du "domaine
réservé" sans faire appel aux services officiels de renseignements
et d'action. Pour cela, Jacques Foccart commence a noyauter les
administrations françaises et plus particulièrement les ambassades et les
consulats.
Simultanément, toutes les sociétés d'import-export sont mobilisées, tandis
qu'il fait procéder à une "réorientation des objectifs du S.D.E.C.E."
et à un véritable démantèlement du service "Action" considéré
comme peu sûr et trop réticent.
Un ancien agent du S.D.E.C.E. explique la
façon dont la "réorientation" a eu lieu. Jusqu'en août 1960, Jean-
Pierre Marcellin (Témoignage recueilli à Venise le 21 septembre 1972)
était un des meilleurs "plombiers" du S.D.E.C.E.
Rayé des cadres lors de la grande purge d'octobre 1970, il dirige
actuellement en Italie une agence de police privée :
"... Au mois d'août 1960, j'ai été
convoqué par mon chef de secteur ... Il m'a dit que les objectifs étaient
changés, que les "rouges" ne nous intéressaient plus, et qu'il
fallait axer nos activités sur nos anciens amis de l'O.T.A.N. et sur les
Américains en particulier ... il n'y avait pas à discuter, il fallait se
soumettre ou se démettre ... j'ai été lâché, je me suis soumis dix
années de plus...".
Maints témoignages ont été recueilles à
l'étranger: car de nombreux anciens agents du S.A.C. ont préféré par
mesure de sécurité, mettre une frontière entre eux et leurs ex-amis.
Ce changement d'orientation du S.D.E.C.E.
s'obtient aussi par un noyautage discret.
De plus, on place à sa tête un élément "compréhensif", le
général de brigade Paul Jacquier, qui conserva la confiance de Jacques
Foccart jusqu'à sa mise à l'écart au début de 1966 après l'affaire Ben
Barka.
Un des premiers résultats de l'organisation
Foccart est l'élimination, le 16 octobre 1960, en territoire helvétique,
du leader camerounais Félix Moumié.
Affaire trouble qui met directement en cause un homme du S.D.E.C.E., le
commandant Mercier, ainsi qu'un procureur général suisse, M. Dubois,
devenu, dès 1958, "honorable correspondant".. de nos services de
renseignements.
Un ancien agent du service "action"
du S.D.E.C.E., Paul-Henri Pravenin, alias Pierre Parraz,
témoigne le 14/8/1965 :
"...Moumié était pisté depuis
longtemps... C'est un journaliste français qui jouait le double jeu et nous
fournissait les détails dont nous avions besoin ... Plusieurs plans étaient
prêts, mais Moumié était en Suisse lorsque nous avons reçu le feu
vert de Paris, directement de "la Foque" ...l'opération a
été d'une simplicité enfantine..."
Le sobriquet de la "Foque", était attribué à Foccart
par ses hommes.
L'année suivante Jacques Foccart joue
un rôle déterminant dans la manipulation du "commandant" Michel
Mertz, trafiquant d'héroïne reconverti dans les rangs de I'O.A.S. comme
agent double. Lors du procès des auteurs de l'attentat, Jacques Foccart
est cité comme témoin, une lettre signée d'un certain Simon l'ayant
désigné comme l'instigateur de l'opération.
Sa comparution n'apporta strictement rien de nouveau, la défense comme
l'accusation étant subitement devenues muettes.
D'après le témoignage de Paul-Henri
Pravenin :
" Quarante-huit heures
avant la comparution de . la "Foque", deux agents munis d'une
sacoche bourrée de photocopies avaient fait le tour des personnes
intéressées... Il y avait de quoi faire taire la moitié de Paris ... Ce
sont le capitaine Viradieu et le lieutenant Georges qui ont fait
la tournée des grands-ducs ..."
Le "commandant" Michel Mertz
fut généreusement récompensé de ses bons et loyaux services par une large
impunité dans ses activités de trafiquant de drogue.
(Le lecteur consultera avec profit l'ouvrage d'Alain Jaubert paru dans
la même collection : "Dossier D...comme Drogue" Edition AM -
Paris).
---==oOo==---
LES MAGOUILLES AFRICAINES DES
BARBOUZES
1961 est l'année des mercenaires. André
Labay, par exemple, un des agents les plus actifs de Jacques Foccart,
est mercenaire au Katanga, aux côtés du commandant Faulques.
Un moyen pour Labay d'approcher le cercle des intimes de Cyrille
Adoula, alors Premier Ministre du Congo-Kinshasa, et de devenir le chef de
ses services spéciaux.
C'est là une technique classique des réseaux Foccart, utilisée chaque fois
que possible, en Afrique Noire, et notamment au Congo et au Biafra.
Jacques Foccart
vend des services de renseignements "clés en main" comme d'autres
des usines.
On commence par contacter un pays en voie de développement par le biais d'une
des sociétés commerciales du groupe et l'on passe un contrat pour la
fourniture de matériel électronique d'espionnage dont tout le monde raffole
: bippers, transmitters, belts, curvings, etc.
On offre ensuite de former les utilisateurs du matériel et on fournit des
instructeurs, qui deviendront les cadres du futur service de renseignements.
Ces responsables seront autant d'antennes
alimentant la centrale parisienne en informations puisées à la source.
Dans le gouvernement Michel Debré, à
l'origine le Secrétariat général à la Communauté avait été confié à Raymond
Janot, autour duquel on trouvait deux personnages connus sous les
patronymes d'Albert Arnaud et Claude Mercier, et que l'on suivra
aussi bien dans l'entourage de Foccart que dans celui de Constantin
Melnik, conseiller spécial de Michel Debré pour les problèmes de
renseignement.
Un des adjoints d'Arnaud, Jean-Baptiste
C..., parle de son expérience de la subversion en Afrique (témoignage
recueilli à Genève en février 1971) :
"
...Lors du référendum de septembre 1958, la Guinée
avait massivement répondu "NON" à la France et cette
décision contrariait la politique africaine du Général De Gaulle
...
Dès janvier 1959 nous avons été chargés d'appliquer le "plan ALBY",
visant au renversement de Sékou Touré (le leader guinéen) ... Nous
agissions sous les ordres d'Albert Arnaud, un proche, voire un intime
de "la Foque" ... Il nous a été facile de regrouper à
Dakar des officiers guinéens auxquels un entraînement spécial était donné
par des hommes du 11e Choc mais, malgré la collaboration d'hommes politiques
guinéens en exil. ce premier complot s'est soldé par un échec ... Arnaud
et Mercier ont travaillé d'arrache-pied à la préparation d'un second
complot et nous avons eu plusieurs réunions, notamment à Koumassi
c'est-à-dire à Abidjan, en Côte-d’Ivoire ... Nos réseaux étaient très
structurés dans cette zone et nous avons pu mettre à la disposition des
opposants un matériel important. suffisant pour équiper deux mille hommes le
cas échéant. Le matériel était composite afin d'en compliquer
l'identification d'origine en cas de pépin... Officiellement, le matériel
provenait de deux trafiquants allemands et parvenait en Afrique par
l'intermédiaire d'un journaliste barbouze, Pierre Joly (Vu dans les
barricades d'Alger en janvier 1960 etc..),..
Entre décembre 1959 et mars 1960, nous avons ainsi acheminé 500
mitraillettes Thompson, 500 mitraillettes MP 40, 600 carabines U.S. 7,62, 300
mitraillettes F.V. Mark 4, 200 Colt 45, 500 grenades, 50 fusils mitrailleurs
Bren, 10 MG 34, 10 M 642, 50 "Panzer Faust"(bazookas), une vingtaine
de mortiers, une tonne de T.N.T. et plusieurs centaines de milliers de
cartouches de différents calibres ... Malgré cela, le soulèvement d'avril
1960 se solda par un échec, {b]un massacre et la capture de trois de nos
agents... En outre, deux hommes dit 11eme Choc, dont le capitaine Lamy,
un agent du bureau 7 (Service action) du S.D.E.C.E., Paul Favier et
quelques collaborateurs ivoiriens avaient été abattus ».
La "foccardisation" de
l'Afrique s'accélère après l'indépendance de l'Algérie ; la politique
africaine de la France échappe a la compétence du Quai d'Orsay et devient le
domaine exclusif de Jacques Foccart.
Un des principaux agents de Foccart au
Congo ex-belge, André Labay, impliqué quelques années plus tard dans
une affaire de trafic d'héroïne, devenu, sur ordre, responsable des services
de renseignements de Cyrille Adoula, le Premier Ministre du
Congo-Kinshasa, va prendre le contrôle, pour le compte de Foccart, de
plusieurs réseaux de trafiquants de diamants.
Dans le cadre de sa mission, Labay
organise la mise en condition puis l'enlèvement d'Albert Kalondji,
"empereur" du Sud-Kasai et opposant farouche de la politique de Cyrille
Adoula.
Si au Congo-Kinshasa les réseaux Foccart se manifestent à de très
nombreuses reprises, le Congo-Brazzaville n'est pas épargné non plus.
Tant que l'abbé Fulbert Youlou, tint les rênes du pouvoir, jusqu'au
13 août 1963, les réseaux français n'eurent aucune difficulté. Ils
transformèrent même le pays en plaque tournante avec deux bases principales,
à Brazzaville et à Pointe-Noire.
Deux "journalistes" recevaient et
dispatchaient le courrier du réseau noyé dans celui d'une agence de presse
fictive : Headlines Press Agency (Boîte Postale 2110 à Brazzaville) .
Ces deux agents spéciaux, Daniel Pouget et Jean- Marie Laurent (ce
dernier manipulé par les réseaux Foccart qu'il pensait combattre.),
effectuaient de très nombreux voyages entre Brazzaville, Abidjan, Paris et
Bonn.
Un journaliste (Témoignage recueilli à Paris
en décembre 1969) attaché à I'A.F.P., qui à l'époque faisait partie des réseaux
Foccart sous le pseudonyme de Gilbert Charvel, raconte :
"... Daniel Pouget représentait à
la fois les intérêts de "la Foque" et ceux du S.D.E.C.E.
auquel il appartenait... Ses contacts étaient également très étroits avec Jacques
Patault, administrateur des Affaires d'Outre-Mer et agent de liaison avec
le S.D.E.C.E. aux cabinets de Roger Frey en 1961 et de Georges
Pompidou alors Premier Ministre de 1962 à 1967... Nous avions de
fréquents rendez-vous à Bonn, en Allemagne, notamment avec Pierre Joly,
un activiste belge qui fournissait, moyennant finances, des mercenaires et des
experts de la guérilla ... Un de nos rendez-vous préférés était l'Igel
Bar dont le patron était l'un des principaux résidents de Foccart en
Allemagne Fédérale ... Nous travaillions également sous la houlette de Morichot-Beaupré,
un des bras droits de Foccart... A cette équipe se sont joints des
hommes d'action comme Jean-Noël Lastenant, Jean Vincenti ou Fredéric
Tronca et d'autres contacts que nous appelions les "épiciers"
parce qu'ils étaient attachés à différentes firmes d'import-export qui
traitaient les produits les plus divers mais surtout beaucoup d'armes ...
Lorsque Fulbert Youlou a été renversé, Foccart a voulu
absolument que le maximum soit fait pour remettre "l'abbé" en selle...
C'est Jean-Marie Laurent qui s'est lancé dans la bagarre, mais comme
l'affaire a mal tourné et qu'il était trop en vue, c'est lui qui a écopé,
il y a quelques mois, de dix ans de travaux forcés..."
Jacques Foccart
centralise tous les renseignements transmis par ses réseaux et de son bureau
de l'Elysée, de Matignon, du Secrétariat général aux Affaires Africaines
et Malgaches, de sa villa de Luzarches ou de son P.C. du boulevard de Magenta,
tire les ficelles, manipule les hommes et les régimes.
On ne prête qu'aux riches : aucun mouvement
politique, aucun remous ne se produit en Afrique sans que le nom de Foccart
ne soit prononcé.
Après avoir joué la carte Tschombé, puis celle de Mobutu.
contre l'ancien leader Katangais que les hommes de Foccart conduiront
froidement à la mort, les barbouzes françaises tentent de se débarrasser du
chef de l’Etat du Congo-Kinshasa, le général Mobutu.
…..Finalement, l’attentat contre Mobutu échoue.
Durant la guerre du Biafra (juillet 1967 -
janvier 1970), les réseaux Foccart apportent une aide massive en
hommes et en armes aux sécessionnistes du général Ojukwu.
En France métropolitaine, les hommes du S.A.C. font une campagne de
recrutement de mercenaires comme on n'en avait plus vu depuis la fin de la
guerre d'Algérie.
Apres l’échec de la sécession biafraise,
les réseaux Foccart veulent à tout prix récupérer certains
documents détenus par le général Ojukwu et prouvant l’aide
capitale apporte par la France au Biafra.
De telles déconvenues ne diminuent pas le
dynamisme des hommes de Foccart.
En 1975, un nouveau drame biafrais se prépare en Ethiopie.
On recrute à Paris, à Rome, à Bruxelles et à Bonn des mercenaires à
l'efficacité prouvée ou aux excellentes intentions.
Jacques Foccart
dont les réseaux disposent d'une remarquable base à Djibouti, clef de la Mer
Rouge, s'efforce de favoriser la sécession de l'Erythrée et du Tigré.
A Massaouah, comme à Makalé et Assab, des
barbouzes très actives se dissimulent comme d'habitude sous la couverture d'
"agents commerciaux", d' "ingénieurs-conseils" ou de
"spécialistes du marketing", affiliés à des sociétés comme la
Traco, la Barracuda-France, la Gexpo, la Comex Dif ou la
Francexpa.
Un "ingénieur-conseil" de la Gexpo, Charles
Mérinier, qui a effectué de très nombreuses missions pour le compte de l'organisation
Foccart, sous les pseudonymes de Gilbert Maheux et Charles
Molines, se trouve depuis le début de l'année 1974 dans l'entourage
direct du général Naga Teguegne, un des hommes clefs de la politique
éthiopienne.
Il est indispensable de garder à l'esprit que
l'ancien Secrétaire général aux Affaires Africaines et Malgaches joue
toujours plusieurs cartes simultanément et parfois contradictoirement
.On a vu et on voit ses agents affronter souvent dans une lutte sans merci,
engagés sur ordre dans des organisations antagonistes.
C'est ainsi que les hommes de Foccart et
les agents du Then Wu (Equivalent chinois du SDECE) de Pékin collaborent
étroitement dans leur assistance aux rebelles du Dhofar dans les sultanats
d'Oman et de Mascate, et s'affrontent en Somalie, laquelle a des visées
expansionnistes sur le Territoire Français des Afars et des Issas.
Par ailleurs, à l'autre bout de l'Afrique, et
après des relations très inégales, le Gabon du président Omar Bongo
est devenu la principale plaque tournante des réseaux Foccart. Ses
sociétés commerciales ont multiplié les succursales gabonaises dont les
effectifs sont aussi pléthoriques que ceux de certaines Ambassades.
Ainsi on retrouve à Mayumba (Gabon) un "attaché commercial" de la Comex
Dif, Henri Maugueret. dont les huit collaborateurs ont vraiment une
drôle d'allure. Il est vrai que Maugueret a fait ses classes au 11ème
Choc puis a eu l'occasion d'appliquer les techniques apprises sur des terrains
aussi divers que l'Amérique du Sud, le Cambodge et l'Afrique du Nord.
Au début 1975, un homme voyage sans arrêt
entre Owendo, Franceville et Booué au Gabon, Yaoundé ou Kribi au Cameroun.
Officiellement "attaché de direction" de la Comuf, la "Compagnie
des Mines d'Uranium de Franceville", Charles Béranger est en
réalité un des "pontes" du S.A.C. et des réseaux Foccart
qui sont parvenus en seize années à imposer leur présence en Afrique, et
dont le "patron", qui n'exerce plus aucune fonction officielle,
continue à recevoir les chefs d'Etat africains et à leur rendre visite.
La Société Francexpa, spécialisée dans l'import-export de produits
alimentaires, rayonne par l'intermédiaire de différentes filiales sur tous
les pays de l'Afrique francophone.
Son principal administrateur est Gilbert
Beaujolin qui a fait carrière dans les réseaux gaullistes depuis 1945.
Durant l'Occupation, il appartient au réseau "Alliance", dirigé
par Marie-Madeleine Fourcade, et y exerce les fonctions de trésorier.
On le retrouve auprès du général Pierre Guillain de Bénouville,
l'homme lige de Marcel Dassault, et de Bourgès-Maunoury.
D'après l'une de ses camarades de résistance, " Belette ",
"caïman" (c'était le nom de guerre de Beaujolin) eut
quelques difficultés en 1945 pour justifier l'emploi de sommes
extrêmement importantes, en or et devises parachutées.
L'affaire fut rapidement étouffée vu la qualité des bénéficiaires.
En 1971, Le Figaro publie un long
article anonyme, sous le titre :
"Quels règlements de comptes politiques
derrière la lutte des clans dans les services secrets ?"
(Le figaro, 24 novembre 1971) :
"... M. Gilbert Beaujolin est
gérant depuis 1939 de la "Société Beaujolin et Cie",
président de 1954 à 1955 de la "Société française des
distilleries de l'Indochine", de la "Société Soieries du
Charme", de 1965 a 1967 puis de la "Société Holding Textile",
depuis 1967, président de la "Compagnie fermière des eaux minérales
d'Oulmes-Etat", vice-président des "Etablissements Sax-by",
administrateur de la "Société Francexpa" et de la "Sociétés
Fit", président fondateur de "l'Amitié Chrétienne"
et co-fondateur du "Cosor", membre du réseau "Alliance",
secrétaire général du Comité des Anciens Chefs de Réseaux des Forces
Françaises Combattantes.
M. Gilbert Beaujolin a axé, depuis 1945, une part importante de son
activité sur les relations économiques avec les pays en voie de
développement.
ll est membre fondateur (1959) du Mouvement
dit des gauchistes de gauche. membre fondateur et président de la "Commission
de contrôle et de discipline de l'Union de la Gauche Vème République"
(1966) et membre du Comité de l'Institut Prophylactique de Paris.
Il est commandeur de la Légion d'Honneur, titulaire de la Croix de Guerre
(39.45) française et belge, rosette de la Résistance, chevalier de la
Couronne de Belgique, chevalier d'Orange-Nassau.
---==oOo==---
Les pages 84, 85 et 86 de « B comme barbouzes
»de Patrice CHAIROFF, édition AM Paris, donne d’impressionnantes
précisions sur l’extraordinaire diversités des sociétés en tout genre.
---==oOo==---
G.I. - On
s’étonne ensuite que le F.L.N., après l’indépendance se soit accaparé
de toutes les richesses pouvant leur rapporter de gros « bakchichs ».
Mais au fait, avec qui ont-ils
négocié à Evian ???????????????
Un internaute arabe d’Algérie me disait dernièrement :
« Avec l’indépendance on a fait partir les
bons et ils ont gardé les mauvais ;
JAMAIS NOUS SERONS UN PAYS MODERNE ».
Mais suivez le guide, l’Histoire
des gaullistes n’est pas encore terminée.
---==oOo==---
"Il est intéressant de noter que parmi
les affaires de M. Beaujolin figurent la Société d'Equipement pour
l'Afrique C.S.E.A.) et la représentation de Mercédès en
Afrique Noire, activités qui semblent avoir été proches de celles de M. jacques
Foccart avant 1958 ..."
Ce dernier s'empresse de démentir toutes
relations d'affaires avec Beaujolin dont il prétend :
"... avoir fait la connaissance après 1958 à
l'occasion de rencontres fortuites et ne pas l'avoir rencontré depuis
dix-huit mois ou deux ans..." (Le Figaro, 24 novembre 1971).
Ce démenti est infirmé par tous les
recoupements effectués sur les sociétés qui se partagent le marché
africain pour le compte des réseaux de barbouzes.
Gilbert Beaujolin,
alias "Caïman", n'a cessé depuis la Libération de jouer le
rôle de trésorier commencé dans la clandestinité en 1942, comme le
confirme le fondé de pouvoir (Témoignage recueilli à Paris, avril 1974)
d'une grande banque de la place Vendôme, ancien collaborateur des réseaux
financiers « Foccart »qui a désiré conserver l’anonymat :
... « Gilbert Beaujolin
n'a pas attendu l'arrivée ou plutôt le retour du général de Gaulle
au pouvoir en 1958 pour reprendre le rôle de financier occulte qui est le
sien depuis toujours ... toujours dans l'ombre, Beaujolin a
redistribué depuis vingt-cinq ans des sommes énormes à différents partis
et mouvements politiques de la IVème puis de la Vème République en
utilisant des circuits bancaires, y compris le nôtre, dont il a une parfaite
maîtrise...
Les sociétés qui ont été systématiquement
jetées sur l'Afrique et les pays du Tiers Monde par les réseaux Foccart
permettent également le rapatriement de sommes gigantesques drainées sur
plusieurs continents par le trafic systématique de la fausse monnaie,
en particulier les dinars algériens, les francs C.F.A., et les dollars
américains et canadiens ...
Un trafic de fausse monnaie dans lequel les
officiels de différentes banques jouent un rôle de premier plan ...
je peux vous dire qu'en juin 1973, un rapport
très détaille a été établi par deux inspecteurs des services extérieurs
d'une importante banque d'affaires. Ce rapport de 73 pages mettait
nominativement en cause des directeurs de banques en poste en France et à
l'étranger, deux hauts fonctionnaires du service du contrôle des changes, un
contrôleur général de la police anciennement en poste à Marseille et deux
douzaines d'hommes de paille, de gérants et de dirigeants de sociétés
d'import-export sévissant en Afrique.
Ledit rapport fut transmis en double exemplaire,
l'un au ministère des Finances (de Giscard d Estaing), l'autre au
ministère de l'Intérieur (de Marcellin) ...
Officiellement, il n'y a aucune trace dans les
dossiers de ces ministères de ce document accablant qui semble s'être volatilisé
...
Bien évidemment il n'y a eu aucune suite
légale contre les trafiquants de fausse monnaie mais par contre les deux
auteurs du rapport ont été mutés à des postes de second plan : l'un à
Madrid, le second à Vienne (Autriche) » ...
Pour en revenir à Beaujolin et au type
de sociétés qu'il anime, disons que ces circuits commerciaux ont servi de
paravent depuis la Libération au patronat français qui a pu ainsi
discrètement alimenter ou assécher les caisses noires des partis politiques.
Et cette méthode, inaugurée sous la IV' République, est toujours de mise de
nos jours et une des sociétés de Beauiolin, la Francexpa, est
le véhicule privilégié de ces subventions (30)...
Là aussi, un rapport extrêmement détaillé existe,
une véritable charge de dynamite, mais pour les raisons exposées plus haut,
il n'a jamais vu le jour dort dans un coffre bancaire ...
Le trafic d'armes au niveau gouvernemental est
aussi une des activités principales du groupe Beaujolin et de ses
satellites, Barracuda-France et Astra mar (31) et Intergros,
avec évidemment des complicités de premier plan ...
Ces sociétés contrôlent un gigantesque trafic mondial de "end users
certificates", certificats contenant la définition technique du
matériel et assurant qu'il est destiné au pays destinataire qui s'engage à
ce que ces armes ne soient pas réexportées ...
L'Astramar, l'Intergros ou la Barracuda-France, toutes
inféodées au groupe Beauiolin. procurent des "end users
certifiates" de complaisance, moyennant une commission de 7 % du total de
la facture ...
De nombreuses opérations de ce genre ont transité, et transitent par notre
établissement ...
En 1974, on peut considérer le groupe Beaujolin comme l'épine dorsale
financière des réseaux Foccart ..."
Les sociétés commerciales, plus ou moins
fictives, rayonnant sur l'Afrique et le Tiers Monde sont doublées par des
organismes privés ou para-officiels, tels le "Bureau pour le
Développement de la Production Agricole" ou B.D.P.A. longtemps dirigé
par le colonel Roger Barberot. Ce dernier, qui fut ambassadeur en
République Centrafricaine (de 1960 à 1965), a été maintes fois dénonce
par les services du général Bokassa, le président centrafricain,
pour avoir pris une part très active à la "foccardisation"
de l'Afrique Noire et pour avoir confondu son ambassade avec un nid de
barbouzes.
On a longuement parlé du colonel Barberot
et du B.D.P.A. au moment du scandale du C.A.D.I.R., le "Comité
d'Aménagement et de Développement de l'Ile de Ré" fondé
par Philippe Dechartre, à l'époque secrétaire d'Etat au travail, à
l'emploi et à la population. Trésorier du C.A.D.I.R., Beaujolin
exerçait aussi les fonctions de "conseiller technique" au sein du
B.D.P.A. par lequel passaient les marchés de Fancexpa.
Enfin, le B.D.P.A. et Roger Barberot etaient les employeurs du
trafiquant de drogue Roger Delouette, arrêté à New York avec un
chargement de 44 kilos d'héroïne. Cette interpénétration entre des
sociétés commerciales (Francexpa), des associations sans but lucratif
(C.A.D.I.R.), des organismes para-étatiques (B.D.P.A.), est une
caractéristique essentielle des réseaux parallèles.
Ainsi se constituent de véritables chasses
gardées, réservoirs d'hommes et de capitaux, dans lesquels puisent les
responsables des réseaux Foccart comme Morichot- Beaupré,
Delalonde ou Asselin.
Autre personnage très important de la branche financière des réseaux
Foccart : Richard Vautier.
Mis en vedette dans l'affaire de I'E.T.E.C., il a joué un rôle de premier
plan tant auprès de Moïse Tschombé, que du président de l'Union
Minière du Haut Katanga, Jean-Baptiste Kibwe.
Richard Vautier a longtemps représenté une pièce maîtresse sur
l'échiquier africain de Jacques Foccart.
Un agent américain précise le rôle réel de Achard
Vautier (Témoignage recueilli a Athème octobre 1971) :
« …Richard Vautier et son équipe
spécialisée, Franz Muttelheim, Richard Lévy, Bob Reiter et Paul
Bouttet, contrôlent depuis des années une partie très importante du
trafic international des diamants, pour le compte de groupes financiers à la
limite de la politique et du banditisme international ...
Vautier et ses hommes opèrent pour le compte
des services spéciaux gaullistes...
Paul Bouttet
est le principal collaborateur de Vautier dans ce trafic qui laisserait
complètement indifférents nos services si des informations vérifiées ne
nous permettaient d'affirmer que des bénéfices extrêmement importants sont
réinvestis dans un autre trafic, qui lui nous passionne : celui de
l'héroine ..."
Paul Bouttet,
bras droit de Vautier, c'est un ancien "chargé de mission"
du B.D.P.A.
Cet organisme semi-officiel est l exemple type
de réseau gaulliste implanté à travers le monde et dont la fonction
officielle, qui est de développer la coopération technique avec les pays du
Tiers Monde, sert de couverture à des agents très spéciaux.
...Comme le confirme Bernard G... (Témoignage
recueilli à Paris en mai 1974), authentique ingénieur agronome :
"... Je vous précise tout de suite que je
n'ai jamais été, ni ne suis une
barbouze!...
j'ai été chargé d'une mission agricole très importante en Côte d'Ivoire
pour le compte du B.D.P.A.
... Une semaine avant mon départ j'ai été invité à déjeuner au "Don
Camilo" (Club des vieux de la vieille) par le Directeur général adjoint
du bureau qui m'a présenté à un certain Masson (Selon nos
informations iI s'agirait de Paul Massons préfet et ancien membre
lui-même du B.D.P.A. Paul Masson manipulerait un réseau parallèle
dont la direction est confiée à Bistos ancien membre du cabinet de Jacques
Soustelle en Algérie et animateur de commandos anti-O.A.S. Le restau Masson/Bistos
qui comprendrait également Pierre Pascal, antenne du S.D E.C.E.
auprès de Pierre Messmer (alors ministre des Armées et ancien chef de
cabinet du Premier Ministre Jacques Chaban-Delmas a joué un rôle
important dans la réorganisation des ventes internationales d'armes, sous la
houlette de Michel Debré)
…Après avoir bavardé de problèmes techniques concernant ma mission, M. Masson
a insisté sur le fait qu'au cours de mes activités je pouvais prendre
connaissance d'informations capitales pour le pays dans le domaine économique
et politique, des informations que son service était habilité à recueillir
... il m'a dit aussi qu'en fonction des informations transmises, des
contreparties financières importantes me seraient offertes ... Bref, il m'a
fait un discours un œil sur la ligne bleue des Vosges l'autre sur le carnet
de chèques ...
J'ai accepté son offre et il m'a fait remettre la veille de mon départ à
Abidjan une liste baptisée "liste d'objectifs prioritaires",
des objectifs qui n'avaient strictement rien à voir avec mes fonctions au
B.D.P.A.
... J'ai également été muni d'un contact qui se trouvait être un très
proche collaborateur de Jean-Raphaël Leygues. notre ambassadeur en
Côte-d'ivoire... j'ai su par la suite que cet individu qui se faisait appeler
Jean Bernardin était un responsable local très proche de Jacques
Foccart ... ma plus belle surprise m'a été réservée par ce Bernardin
lors de ma troisième remise de documents : la rencontre avait lieu à Bouaké
... je remets une série de renseignements à Bernardin qui devait
alors me payer 2.000 dollars représentant la précédente livraison ... jugez
de mon ahurissement lorsque cet agent m'a déclaré : "Si vous êtes
d'accord, mon vieux, pour être payé en faux dollars au lieu des vrais, je
peux vous en remettre 10.000 au lieu des deux mille. Rassurez- vous, ils sont
de première qualité "... J'ai refusé, bien sûr, et j'étais
tellement ébahi que l'ai demandé a être réglé en francs français ...
vous pouvez imaginer la pire des cuisines qui se déroule en Afrique sous le
couvert de la "coopération" et vous resterez encore en
deçà de la vérité!..."
Le B.D.P.A. n'est pas seul en cause.
Particulièrement active en Afrique Noire est la société « Ascot »
(Assistance et Coopération Technique).
Ceci éclaire un peu plus les activités
annexes des réseaux parallèles.
D'autres collaborateurs de l'Ascot permettent
de relier directement cette société à la trame complexe des réseaux
Foccart.
Un des hommes de confiance de Jacques
Foccart, Morichot-Beaupré, joue. entre novembre 1970 et mars 1971,
un rôle de premier plan dans la sélection des agents de l'Ascot qui
effectuent différentes et importantes missions en Algérie et au Tchad.
De même, des agents reconnus de l'organisation Foccart, comme Philippe
Roussillon, Raymond Meunier ou Christian Pradel, accomplissent
diverses missions sous la couverture de l'Ascot.
Les activités des réseaux Foccart ne
se limitent pas au continent africain. Philippe Rossillon, ancien
élève de l'Ecole Nationale d'Administration, animateur du groupe des "pianistes"
de "Patrie et Progrès", avait été chargé par les services de Jacques
Foccart d'entretenir la tension au Canada en utilisant les
mouvements séparatistes du Québec.
Rossillon parcourut les différentes provinces canadiennes avec
d'autres agents de Foccart, comme Edgar Chaumette, Jean-Luc
Gaillardère et Tom Bailby.
Il établit des contacts très étroits avec le
Front de Libération du Québec et d'autres mouvements comme celui d'Adrien
Arcand.
En 1968, Philippe Rossillon est arrêté
par les services de police canadiens et immédiatement désavoué par ses
employeurs.
Selon certaines informations, Rossillon
aurait été confondu par des preuves aimablement fournies par ses propres
patrons.
Comme le répétait Beria, "un
agent grillé n'a pas mérité d'exister".
...........................
...........................
Passage supprimé par décision de Justice (ordonnance
du 15-12-75)
ET POUR FINIR
Ce culte du chef, matérialisé dès l’adhésion
au S.A.C. par la prestation de serment se manifeste dans toutes les
relations militants/direction.
Paul Mouton,
adjoint de Kappé, le précise au point numéro 7 de la brochure remise
aux adhérents :
Nous sommes tous soumis à une
autorité hiérarchique. Pour nous militants du S.A.C., la hiérarchie c'est
tout. Notre chef, le Général De Gaulle, a délégué ses
pouvoirs au secrétaire général auquel il adresse ses instructions. Les
ordres que vous recevrez dès aujourd'hui de votre chef de groupe sont à
considérer comme émanant directement du Général, notre chef
à tous. Ses ordres vous parviennent par l intermédiaire du secrétaire
général, des chargés de mission, du chef régional, du chef départemental
et de votre chef de groupe. Un ordre du chef de groupe ne se discute pas. On
obéit.
Quand vous monterez vous-même dans les échelons de la hiérarchie, vous
comprendrez mieux combien l'obéissance totale et immédiate aux ordres du
chef de groupe est indispensable. Vous n'avez pas adhéré à un pensionnat de
Jeunes filles ou à un club de pêcheurs à la ligne. Ici on ne discute pas
les ordres. on obéit. Cette obéissance n'a d'ailleurs aucun caractère
humiliant puisqu'elle est librement acceptée, puisqu'elle n'exprime que le
libre et déférent hommage d'un militant à ses chefs ...
Vous ne trouverez d'ailleurs au S.A.C. aucune trace de cet humiliant
tutoiement automatique de règle dans les organisations marxistes..."
L'émancipation féminine n'échappe pas non
plus aux préoccupations du S.A.C., comme l'illustre une déclaration
de Gilbert Sinibaldi, chef de groupe parisien (Témoignage recueilli le
27 décembre 1973) :
"... Nous commençons à
en avoir assez de ces pisseuses qui se mêlent de tout et qui feraient mieux
de faire leur vaisselle et de torcher leurs mioches ... Il nous faudra, si
cela continue, monter des sections pour libérer les rues des garces du M.L.F.
qui les encombrent ..."
L'élévation de pensée et
l'ouverture d'esprit sont évidentes, mais il ne s'agit pas seulement d'une
boutade puisque, dans le courant de l’hiver et du printemps 1974, plusieurs
cars du M.L.A.C. sont attaqués par des commandos encadrés par des hommes du S.A.C.
|