Jacques
Soustelle
"L'espérance
trahie" |
LE GÉNÉRAL DE
GAULLE, 4 décembre 1956.
« Mon cher Soustelle,
« Quand le bel exemplaire de
votre ouvrage Aimée et souffrante Algérie m'est parvenu, j'avais déjà lu
le texte, et avec un extrême intérêt.
Pour tout ce qui concerne le
déroulement, les péripéties, des événements et de votre action, tant sur
place que dans la métropole, je tiens votre exposé pour aussi clair,
sincère et frappant que possible. En outre, vous écrivez très bien, ce qui
ajoute beaucoup aux arguments. Je ne crois pas qu'on puisse contredire
sérieusement ce que vous avancez, ni blâmer de bonne foi ce que vous avez
fait.
« Le résultat final, c'est
une autre affaire, qui n'était pas de votre ressort. Une réussite française
en Afrique du Nord, et notamment en Algérie, exigerait une très grande
politique.
Action locale de vaste
envergure pour aboutir à l'association sincère des deux principaux
éléments.
Action puissante et continue
sur l'opinion en France pour la rassembler en vue de l'effort.
Action déterminée à
l'extérieur, allant, bien entendu, jusqu'à sacrifier au besoin le pacte
Atlantique.
Et puis, de tous côtés,
attitude telle que la France officielle apparaisse à la fois comme attrayante
et inébranlable. Le tout pouvant durer des années et des années sans
changer de route.
Il est trop évident que le
régime est hors d'état de fournir une course aussi rude et aussi prolongée.
Le monde le sait et le voit.
Je crains donc que, pour le
monde, la cause ne soit entendue et qu'alors en raison de l'inconsistance du
régime, elle soit plus tôt ou plus tard tranchée dans les faits.
« A moins que le régime ne
cède la place in extremis.
« [b]Veuillez croire, mon cher
Soustelle, à mes sentiments de fidèle amitié.[/b]
« C. DE GAULLE »
Commentaire
de Jacques Soustelle
:
Ou bien les
mots n'ont plus de sens, ou bien cette lettre voulait dire : si le régime
demeure en place, l'Algérie est perdue; qu'il soit abattu et que je puisse,
à la tête de l'État, mener « une très grande politique », et elle est
sauvée.
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