BOUDIAF,
KHIDER,
&
LE TRÉSOR DU FLN...
Recueilli par PA
Barisain
|
EXTRAITS
Anissa
Boumediène
solde les comptes
Nous nous
sommes faits l’écho, il y a quelques jours, d’un courrier transmis par Me
Bouzida dans lequel il prenait à partie violemment Mme Anissa
Boumediène, suite à la publication par cette dernière d’articles
critiques relatifs au Président défunt Mohamed Boudiaf. Estimant qu’il
est de son droit de répondre aux accusations portées contre elle, Mme Boumediène
s’explique longuement et en détail sur le rôle joué par les uns et les
autres pendant et après la Révolution.
L. S.
…..
Dans la lettre que Mezerna,
tombé en disgrâce, écrit du Caire à Aïssa Abdelli, trésorier du
MNA, le 12 mars 1955, il dit notamment : "Je comprends que vous
viviez dans une autre atmosphère et je ne pense pas être responsable de l’acte
déloyal de Smaïn. Vous auriez pu attendre une explication de ma part, un
criminel a droit à sa défense (document n°22, Les Archives de la
Révolution algérienne , page 117)."
Un autre moudjahid allait se plaindre des agissements déloyaux de Mohamed
Boudiaf, il s’agissait de Moussa Hassani, ministre des P et T
dans le premier gouvernement Ben Bella. Ancien officier de la wilaya I,
il démissionnait de ses fonctions de député au début du mois de juin 1964.
…..
Le 6 juillet de la même année était
constitué un Comité national de la défense de la Révolution (CNDR) où
siégeaient Aït Ahmed, Boudiaf, Moussa Hassani, le colonel Chaâbani
et le commandant Si Moussa (Ben Ahmed).
En effet, le banquier suisse François Genoud, qui fut administrateur
à la Banque commerciale arabe de Genève, où étaient entreposés les
fonds du FLN, et qui, par conséquent, a eu une bonne connaissance de la
gestion de ces fonds, témoigne, dans la biographie que lui a consacrée Pierre
Péan (intitulée L’Extrémiste, page 317) que Boudiaf, qui
avait reçu six millions de francs suisses, "a
pris la part de Moussa sans rien lui dire (Boudiaf ne lui a fait
parvenir que 200 000 francs français)". Moussa Hassani
fut révolté par l’attitude de Boudiaf si bien, comme l’écrit Pierre
Péan, "qu’une violente altercation éclata entre les deux hommes
devant l’hôtel" d’Angleterre à Ouchy. "Tu
m’as trahi !", hurlait Moussa à l’adresse de Boudiaf.
Précisons que des gens qui ont bien connu Moussa Hassani peuvent
confirmer le témoignage de Genoud. Ramdane Redjala qui, comme il le
signale lui-même dans son livre L’Opposition en Algérie depuis 1962, a
été dix ans membre du PRS (parti de Boudiaf) de 1968 à 1978, a bien
connu celui-ci et confirme les propos du banquier suisse à l’égard de Boudiaf
(page 114) qui "s’est constitué une fortune
colossale au Maroc, à l’abri des menaces de nationalisations
avec des capitaux dont l’origine est pour le moins suspecte et sur laquelle Boudiaf
ne s’est jamais expliqué franchement et publiquement", et il précise
encore (pages 167 et 168) que "Mohamed Khider a généreusement
subventionné le FFS, le PRS/CNDR et l’OCRA de 1964 pour les deux premiers
et de 1966 pour le dernier.
Ces mouvements ne connaîtront donc pas les graves difficultés de trésorerie
qui affectent généralement les partis d’opposition.
…..
Mohamed Boudiaf et
ses amis se sont constitués une solide fortune au Maroc." En quoi
suis-je une calomniatrice lorsque je cite ces auteurs et que Nacer Boudiaf
reconnaît lui-même que son père a bénéficié de l’argent du FLN (qui
fut donné par les États à l’Algérie en guerre) dans une interview
donnée à l’hebdomadaire Ech-Chourouk du 29 janvier ?
Ramdane Redjala, membre durant dix ans du PRS, a vu comment
fonctionnait le parti. Il le décrit lui-même dans son livre et il dit que
cela a nécessité beaucoup d’argent. Comment pourrais-je accepter que l’on
compare le Président Boumediène à Mohamed Boudiaf qui, jusqu’à
la mort de mon époux, a dénigré toutes les réalisations de l’Algérie
indépendante, sans exclusive, et mentionné à l’encontre du Président les
plus noires calomnies dans la revue française Paris Match alors qu’il
se trouvait dans le coma.
…..
Boudiaf quitte l’Algérie le 26
octobre 1954. Il n’y remettra jamais les pieds durant toute la durée de la
guerre et ne reviendra qu’en juin 1962. "Ce qui explique ce jugement de
Larbi Ben M’hidi lui reprochant de "traîner la
souveraineté du FLN à la semelle de ses souliers" " ,
écrit Mohamed Harbi (FLN, mirage et réalité, page 166).
…..
Abdelkrim Hassani,
qui saisit n’importe quelle occasion pour lancer des insinuations perfides
et mensongères à l’égard du Président Boumediène, (on se
souviendra de son article dans El Moudjahid qui soutenait la politique
gazière de Nabi qui fit perdre à l’Algérie 40 milliards de dollars
de contrats gaziers ; on se souviendra de ses basses attaques tentant de semer
la suspicion sur des cadres compétents et honnêtes) a, lui aussi, la
mémoire courte. Il a sans doute oublié que Larbi Ben M’hidi et Abane
Ramdane, deux héros au cœur pur et que je respecte infiniment, n’ont
pas voulu de Boudiaf et de Ben Bella au
congrès de la Soummam.
On constate, en effet, que suivant les termes d’une lettre dont
la copie a été saisie sur Ben Bella, le
jour de son arrestation, le 22 octobre 1956, que Boudiaf et Ben
Bella ont été jugés indésirables au congrès de la Soummam,
puisque ce dernier écrit : "Ceux de l’extérieur
qui ont attendu patiemment huit jours à Rome d’abord et quinze jours à
Tripoli ensuite le signal promis par Hansen pour rentrer au pays, n’ont pas
participé à l’élaboration d’un travail si capital." Hansen
était le pseudonyme de Abane. (Document n° 34, Archives de la Révolution
algérienne, page 168).
Il faut savoir que, selon les propos mêmes de Boudiaf, la répartition
des tâches au sein de la délégation extérieure faisait que lui et Ben
Bella se chargeraient des questions militaires et donc de l’approvisionnement
en armes, tandis que Khider et Aït Ahmed s’occupaient des
questions politiques. Boudiaf dit : "Je n’ai pu entrer en
contact avec Mohamed Larbi Ben M’hidi qu’au mois de mars 1955. Nous
nous sommes rencontrés à Oued Mellouya et il demandait avec insistance des
armes. Il disait : "Des armes ! Des armes ! Sinon, c’est l’asphyxie
!" ( Complot sur scène, page 45). Or, les
participants au congrès de la Soummam en août 1956 vont formuler des
reproches justifiés contre Boudiaf et Ben Bella en ces
termes : "Permettez-nous après cet exposé de vous
faire part d’une critique de fond qui vous est faite par tous les frères
congressistes et les combattants en général. Il s’agit du problème du
matériel - des frères vous reprochant de n’avoir pratiquement pas fait
grand-chose pour ravitailler les maquis en armes... Il est de notre intérêt
à tous de ne pas vous cacher la vérité même si elle est amère. Au
congrès et dans le maquis, les frères combattants ont été furieux de votre
carence dans ce domaine, d’autant qu’on nous réclame des armes de partout."
(Document n° 35, Archives de la Révolution algérienne, page 169)
La réponse de Ben Bella est saisie sur
un des dirigeants de la Fédération de France en février 1957. Dans cette
lettre, adressée aux dirigeants du FLN, Ben Bella, tout en cherchant
à minimiser cette carence confirme implicitement la justesse des accusations
portées contre lui et Boudiaf par les congressistes de la Soummam
en août 1956. Il écrit en effet : "De quel droit décrétez-vous d’autorité
que nous n’avons pratiquement pas fait grand-chose pour ravitailler les
maquis en armes par le seul prétexte que les wilayas II, III, IV et VI n’ont
rient reçu, alors que les autres wilayas, plus favorisées pour des raisons
indépendantes de notre volonté (géographie), ont reçu le matériel
annoncé ci-dessus ?
Il faut donc déduire que pour vous, l’Algérie ce sont les wilayas II, III,
IV, VI et seulement ces wilayas ? Vous me permettez alors de vous dire que ça
ne serait pas penser en responsables présidant aux destinées d’une
Révolution nationale. Le congrès ayant rassemblé précisément ces seules
wilayas II, III, IV et VI défavorisées sans que nous y soyons pour rien, et
pour reprendre vos propres termes "les frères congressistes et
combattants" nous reprochent de n’avoir pratiquement pas fait
grand-chose pour ravitailler le maquis en armes." Je vous dis
fraternellement que personnellement :
1- Je
récuse votre jugement. Je le récuse d’autant plus que Abbane, dans
une de ses lettres que nous gardons toujours, avait prétendu que les frères
de Kabylie et du Nord-Constantinois avaient l’impression que Ben Bella
et Boudiaf "faisaient du favoritisme" et que le même Abane
a écrit, comme je le soulignais plus haut en parlant de nous : "Ils
ne pensent pas à nous, parce que nous sommes des Kabyles."
2- Je
considère que vous nous fournissez la meilleure preuve de la non-représentativité
du congrès, quand, faisant fi du jugement des autres frères des zones non
représentées au congrès, vous dites les frères congressistes et
combattants vous reprochent de n’avoir pratiquement pas fait grand-chose
pour ravitailler le maquis (document n°35, Archives de la Révolution
algérienne, page 171).
Boudiaf comme Ben Bella ont toujours contesté le Congrès
de la Soummam du fait qu’ils n’y avaient pas assisté et qu’ils
y avaient été fortement critiqués pour n’avoir pas approvisionné en
armes quatre wilayas sur six. Dans un document adressé au journal français
Le Monde, du 18 avril 1964, Ben Khedda assurait que lors du congrès de
la Soummam, les chefs de maquis y dressèrent le bilan de la
délégation extérieure et que ce bilan fut jugé négatif : pas d’armes,
pas d’hommes, pas d’argent, comme promis.
Boumediène a vécu sur le terrain la Révolution. Le rapport militaire
qu’il a rédigé et lu lors de la réunion des Dix qui se tient à Tunis du
11 août au 9 novembre 1959 et qui se groupe les principaux chefs militaires
de la guerre de Libération, nous renseigne sur le remarquable travail d’organisation
qui a été accompli sous son commandement.
Pendant ce temps, Boudiaf et ses compagnons sont en prison et ne
connaissent de la Révolution que ce que l’on veut bien leur faire
connaître. D’ailleurs, Aït Ahmed reconnaîtra honnêtement, lors de
la réunion du CNRA, qui se tient à Tripoli, après la signature des
accords d’Evian : "Quelqu’un qui a contribué en 1957 d’une
manière effective a contribué plus que moi qui suis resté en prison. Lorsqu’on
n’a pas participé pleinement, on n’est qu’un figurant au sein de la
direction." (procès-verbal du 29 mai 1962, page 136).
…..
Faut-il rappeler que depuis juillet 1962, chaque mois, les
vivres américains (farines et céréales, lait condensé, huile)
parvenaient à l’Algérie où ils étaient distribués à la population
nécessiteuse ? On estimait à Alger en 1963 que près de quatre millions de
citoyens (sur une population de dix millions de personnes) bénéficiaient de
ces distributions de vivres ( Le Monde 21 août 1964, page 3).
Combien de milliers de citoyens aurait-on pu faire vivre avec ces
milliards confisqués ?
Car, que cela plaise ou non, les faits sont têtus. Comme le signale Le Monde
du 21 avril 1964, la gestion financière de Khider d’août 1962 à
avril 1963 est mise en cause au congrès du parti où plusieurs fédérations
lui réclament des comptes.
Le 5 juillet 1964, haranguant la foule du balcon du forum, Ben Bella
dit de Khider :
"Il a quitté l’Algérie et emporté avec lui
six milliards qu’il a déposés en Suisse. Lui et ses semblables relèvent
désormais des tribunaux de droit commun."
Puis, s’adressant en français à Khider, il a ajouté :
"Monsieur Khider, vous ressemblez à un
animal bien nourri qui s’appelle la hyène.
Vous croyez sentir l’odeur du cadavre, mais vous avez un mauvais odorat, car
l’Algérie se porte bien. Nous allons maintenant exécuter les traîtres",
a poursuivi Ben Bella ( Le Monde 7 juillet 1964).
Le 4 juillet 1964, le gouvernement algérien et le parti du FLN ont requis un
séquestre civil sur les biens dans les banques où il est vraisemblable que
ces fonds ont été déposés. Deux jours plus tard, le gouvernement algérien
et le FLN déposent une plainte pour abus de confiance et détournement de
fonds entre les mains du procureur de la République du canton de Genève.
Après avoir entendu M. Aït Hocine, membre du bureau politique du FLN
et délégué du gouvernement algérien qui confirme sa plainte, le juge d’instruction
genevois Roger Dussaix ordonne immédiatement le séquestre pénal de
tous les fonds déposés, soit au nom du bureau politique, soit au nom de Khider,
soit au nom d’un tiers avec procuration de Khider et ce, dans toutes
les banques fonctionnant sur le territoire de la Confédération ( Le Monde 9
juillet 1964).
Khider se rend le 18 juillet chez le juge d’instruction. Entendu
pendant sept heures, dit Le Monde du 21 juillet 1964, M. Khider, qui s’était
présenté seul devant le juge, a affirmé qu’il a détourné ces fonds à
bon escient.
Toutes les tendances de l’opposition doivent,
selon lui, être en possession de ces sommes qui sont l’argent de l’Algérie
et non de " son gouvernement actuel. Auparavant, Khider a tenu une
conférence de presse à Genève où il déclare : "Instruit par les
tripotages de Ben Bella, j’ajoute que l’argent n’est pas là où
il le croit. Il est en sécurité. Ben Bella a parlé de six
milliards. Il est possible qu’il y en ait beaucoup moins. Il est
possible qu’il y en ait beaucoup plus."( Le Mondedu 6 juillet 1964).
Le 13 novembre 1964, M e Antoine Hafner,
avocat de Khider, indique que ce dernier "a effectivement retiré
avant l’ouverture de la procédure d’instruction déclenchée par la
plainte du gouvernement algérien les quelque 60 millions de francs qu’il
avait en dépôt à la Banque commerciale arabe de Genève" ( Le Monde du
15-16 novembre 1964).
Lors d’une autre conférence de presse tenue en août, Khider
déclare à propos de ces fonds qu’ "une partie importante a pu être
remise à l’opposition qui a déjà un début de budget et le reste lui
parviendra au fur et à mesure des possibilités. Ces fonds sont à la
disposition de l’opposition jusqu’au dernier centime. Ils
ne sont d’ailleurs pas là où M. Ben Bella pense les trouver."
( Le Mondedu 29 août 1964).
Sur le plan strictement pénal, il s’agit bien d’un détournement de fonds
qui ont été partagés du vivant de Khider qui est lui-même sous le
coup d’une plainte pénale, et les juristes (non les avocats marrons)
savent fort bien que lorsqu’une personne reçoit des fonds détournés en le
sachant, elle est considérée aux yeux de la loi comme un receleur.
Une perquisition est effectuée le 26 octobre 1964 au domicile de Khider
à Lausanne où plusieurs documents sont saisis.
Le Conseil fédéral suisse, se fondant sur l’article 70 de la Constitution,
décide, le 27 octobre 1964, d’expulser Khider. Par la suite, des
sauf-conduits lui seront accordés pour qu’il puisse se rendre aux
convocations qui lui seront adressées par le parquet genevois ( Le Monde du
29 octobre 1964).
Après son expulsion de Suisse, Khider,
qui se trouve en France, déclare à propos des papiers saisis à son domicile
: "Ce sont ceux qui ont trait aux fonds du FLN et qui constituent
la preuve qu’une importante partie de cet argent a été versée à l’opposition."
( Le Monde du 30 octobre 1964).
Khider demande au Conseil fédéral suisse de rapporter la mesure d’expulsion
qui le frappe, car "il est extrêmement rare qu’une décision de ce
genre y soit prise directement à l’échelon suprême sans laisser ouverte
une voie de recours" Le Mondedu 3 novembre 1964). La mesure d’expulsion
est maintenue.
Khider, qui se trouve après cette expulsion de Suisse, à Paris,
apprend également qu’il n’est plus autorisé à séjourner en France,
cependant on le laisse libre du choix de sa destination ( Le Monde du 20
novembre 1964).
Il est connu en droit que lorsqu’une personne qui fait l’objet d’une
plainte pénale meurt, l’action pénale est éteinte. Mais le gouvernement
algérien relancera l’affaire sur le plan civil face à la BCA, qui est en
principe responsable du fait qu’elle n’a pas appliqué les mesures de
séquestre civil qui furent prises avant celles de séquestre pénal.
L’affaire sera portée devant des juridictions successives et elle n’était
pas encore résolue à la mort du Président Boumediène. Je ne m’étonne
pas que ceux qui furent d’éternels perdants depuis l’été 1962
déversent encore leurs rancœurs et leurs jalousies sur ma personne et sur
celle de mon mari, parce que tout au fond d’eux-mêmes, ils se savent bien
insignifiants.
Qu’ils écrivent des mensonges gros ou petits, qu’ils fabriquent des faux
en cherchant désespérément à faire parler d’eux à défaut de travaux
éminents, qu’ils inventent les histoires les plus abracadabrantes, même
pas dignes d’émailler de vulgaires romans de gare ils ne m’impressionnent
nullement et ne méritent de ma part que le plus grand mépris.
Après tout, les prétoires ont leurs avocats marrons
tout comme les églises leurs prêtres défroqués.
Le proverbe arabe ne dit-il pas : "Les
chiens aboient et la caravane passe."
ANISSA BOUMEDIÈNE
Avocate et chercheur universitaire
---==oOo==---
PAUVRE ALGÉRIE ALGÉRIENNE !!!
Il faut croire qu’ils ont été à bonne école
ILS SONT AUSSI FORT QUE LES GAULLISTES
|