La
controverse sur Abane
Ramdane déclenchée
par les
déclarations de Ben
Bella, début
novembre, continue
Recueilli par P.A.Barisain
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A présent, c'est Ben Tobal qui
dénigre l'organisateur du Congrès de la Soummam. Dans Liberté Algérie, un
historien algérien, K. Mameri, lui répond:
Abane : l’héritage immortel
Par K. Mameri.
Il est d’une extrême gravité que la conscience algérienne ne soit pas
soulevée et révoltée par l’apologie du crime politique.
Les limites de la décence et même de la déchéance morale seraient-elles
atteintes ? Faut-il croire que les défenses immunitaires du corps social
algérien sont gravement affectées comme le serait le corps d’un individu
et qu’elles ne répondent plus ?
On croyait Ben bella “indépassable” lorsque, le premier, il avait,
le 26 avril 1958, encouragé du fond de sa prison Krim, Bentobal et Boussouf
quant à l’épuration, entamée, qui ne visait rien d’autre que l’assassinat
de Abane. Voici que Bentobal déclare
à son tour, ces jours-ci (décembre 2002), que Abane “méritait plus
que la mort” après l’avoir qualifié de héros ; ce qui soit dit
en passant accable à la fois Ben Bella, dont il explique l’absence
au Congrès de La Soummam par la peur de s’y rendre, et même Ali Kafi,
son ancien compagnon de la zone II , dont il réfute les accusations. Ben
Tobbal n’est pas à une contradiction près, comme on le verra plus
loin, lui qui ne tarissait pas d’éloges sur le Congrès de La Soummam,
œuvre impérissable de Abane.
Soyons clairs. Ma réaction n’est que celle d’un citoyen algérien
indigné et d’un auteur-chercheur en sciences politiques lié par le serment
de vérité.
Je n’ai connu aucun de ces personnages et je n’ai eu de compte à régler
avec personne. mais ma conscience est révoltée devant des accusations
grossières et mensongères sans preuves, et qui s’annulent entre elles,
puisque Bentobal accable aussi bien Ben Bella que Kafi.
Imagine-t-on, un seul instant, pour rester dans les
parallèles historiques, un Français, quel qu’il soit, de gauche ou de
droite, historique ou non, faire l’apologie de l’assassinat de Jean
Moulin, héros de la résistance française contre l’occupant nazi ?
Un peuple qui ne fait pas respecter son histoire par ses propres
dirigeants cesse d’être respecté lui-même.
D’autant plus que dans cette tempête d’accusations tardives et maladives
de gens aigris, amers, déclassés et oubliés par l’histoire, le seul qui
soit resté intact et grandi c’est Abane, lui-même. Car son
héritage, moins visé que son caractère, restera immortel et éternel.
Le voici pour l’essentiel, tel que reconnu par les acteurs qui ont
eux-mêmes contribué à forger l’histoire de notre pays, même si certains
ont été et restent ses adversaires.
Le rassemblement des forces nationales sans lequel il eut été illusoire de
réussir la libération de l’Algérie captive est incontestablement l’œuvre
la plus réussie de Abane Ramdane.
Aujourd’hui, on l’appellerait Unité nationale.
Qui mieux que Ferhat Abbas peut en témoigner ? Lui qui représentait
le deuxième courant, en termes d’importance, du nationalisme algérien d’alors.
Écoutons ce qu’il dit de son adhésion à la révolution algérienne :
“Abane nous demanda si nous étions disposés à rejoindre avec Boumendjel
et Sator la délégation extérieure au Caire. Il n’était pas
satisfait du comportement de Ben Bella vis-à-vis du Dr Lamine
Debaghine.
Je lui fis une autre proposition (pour que personne ne nous accuse) d’avoir
pris le train du FLN en marche.
Abane protesta : “D’abord, le FLN n’appartient à personne,
plutôt au peuple qui se bat. L’équipe qui a déclenché la Révolution n’a
acquis sur celle-ci aucun droit de propriété. Si la Révolution n’est pas
l’œuvre de tous, elle avortera inévitablement...” Pour couper court à
cette controverse, nous nous sommes ralliés à l’opinion de Abane.”
C’est ici que Abane aura atteint, seul, le sommet de l’intelligence
politique et du patriotisme.
Longtemps adversaire pourtant de Ferhat Abbas et des autres courants
politiques de l’époque, il savait que la mobilisation quasi-générale du
peuple dans toutes ses composantes était vitale pour que l’Algérie puisse
être libérée.
Seul, il le conçut et le réalisa en agrégeant à titre individuel les
oulémas, les anciens MTLD dits centralistes, les modérés de l’UDMA de Ferhat
Abbas, les communistes du PCA et même, plus largement encore, les
libéraux français favorables à l’indépendance de l’Algérie.
Autre achèvement irremplaçable,
incomparable, de Abane, c’est l’organisation et la réussite du
Congrès de La Soummam où, pour la première fois, de sa longue
histoire, l’Algérie était réunie dans toutes ses régions et unifiée
dans les institutions (CCE et CNRA) qui allaient naître.
Là aussi, ne revenons pas sur des accusations indignes. Écoutons plutôt
dans son discours de l’époque (5 février 1960) Lakhdar Bentobal qui
s’abîme aujourd'hui, au soir d’une longue vie, dans un déchaînement
incompréhensible de haine et de passions exhumées.
“Avant le Congrès historique du 20 août 1956, chaque wilaya vivait
renfermée sur elle-même et volait de ses propres ailes.”
“Le Congrès va instaurer pour la première fois un commandement unique de
la Révolution qui s’appellera le CCE. Pour la première fois également
dans l’histoire de notre Révolution, il sera défini un semblant de
principes et de lignes bénéficiant d’un souffle nouveau, d’une âme
nouvelle pour reprendre sa marche avec une vigueur accrue, une confiance sans
bornes en l’avenir et une direction unique... Avant le 20 août 1956, tout
ce dont je viens de parler n’existait pas. L’apport du Congrès de La
Soummam à la Révolution, peu d’observateurs avertis oseraient le nier.”
Comme vous aviez raison jusque-là, M. Bentobal ! Alors vous, qui y
étiez et qui prenez une part de gloire dans ce monument dédié à l’unité
nationale et à la liberté du peuple, pourquoi avez-vous brûlé aujourd’hui
ce que vous aviez adoré hier, d’ailleurs bien après l’assassinat de Abane
?
Avez-vous oublié les résolutions auxquelles vous aviez pris part,
interdisant formellement l’égorgement et l’étranglement qui n’est
pas moins atroce, cruel et inhumain ?
De plus, tout prévenu avait droit à sa défense. L’avez-vous accordé à Abane
?
Comment peut-on expliquer que les participants du
Congrès de La Soummam n’aient même pas, moins d’une année après,
respecté leurs propres résolutions ?
Il n’est pas acceptable, non plus, qu’aujourd’hui certains
esprits, pourtant cultivés, rompus aux études de droit, cherchent à faire
passer par “pertes et profits” la mort de Abane ou tout simplement
à la banaliser en considérant que toutes les révolutions ont eu ce genre de
sombres épisodes.
Non, l’assassinat politique n’est pas acceptable, tolérable et même pas
concevable. Ici ou ailleurs. Hier, aujourd’hui ou demain. Sans quoi, la
société humaine sera renvoyée aux âges sombres et retombera dans une
jungle.
D’autant plus, encore une fois, une fois pour toutes, que Abane reste
grand malgré son caractère et ses défauts, inhérents à toute personne
humaine. Il est le plus grand de la Révolution algérienne.
Je ne vois pas, pour tout dire, au nom de quoi, de qui et de quelle éthique,
on minimiserait son apport, incomparable et sans égal. D’où l’honnêteté
élémentaire, à défaut d’une reconnaissance digne des grandes nations de
lui donner le titre, combien mérité, de “père de l’indépendance”.
K.M.
NDLR: 1/ Abane Ramdane a été
étranglé par le Colonel Boussouf, donc par son propre camp, au Maroc
alors que Jean Moulin, lui, a été tué par les Allemands sur le
territoire de son propre pays.
2/ Le Congrés de la Soummam dont on nous vante la
réussite, était suivi et connu par les Autorités françaises qui ne sont
pas intervenues pour des raisons de basse politique.
3/ Difficile d'admirer les résultats de ce congrès
quand l'auteur écrit lui-même, que moins d'un an après, les participants
n'en respectaient plus les résolutions.
Conclusions: Les Algériens actuels, issus
du FLN, essayent de promouvoir l'image d'Abane Ramdane ou de Larbi
Ben M'Hidi. Grand bien leur fasse. L'Histoire, c'est ce qui se déforme,
la Légende ce qui se construit.
Mais pour nous Français, y compris les Français
musulmans, femmes et enfants égorgés,
mutilés, mitraillés par le FLN, ce sont des
criminels purs et simples et qui ont fait le malheur de leur pays. Ben
M'Hidi était le patron de ceux qui ont fait le premier mort de la
trahison d' Algérie: Laurent (22 ans) de Cassaigne "éliminé"
alors qu'il revenait d'un bal à Mostaganem.
Monrose
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