Les vieux flics le savent : dans un coup on reconnaît la participation d’un
voyou à son tour de main.
L’arrestation providentielle d’Ivan Colonna, à l’avant veille du
référendum sur le statut de la corse porte la marque du vieux cheval de retour
de l’Elysée.
C’est la réédition des libérations tout aussi "providentielles" des
otages du Liban et des gendarmes d’Ouvéa à la veille du deuxième tour de la
présidentielle de 1988.
Deux vieilles affaires qui, dans l’actualité, produisent d’étranges échos...
Le 21 mars 1986, Pasqua devient ministre de l’intérieur. Chirac
lui confie aussitôt une mission prioritaire : obtenir la libération des otages
détenus au Liban depuis 1985.
Et ce dans la perspective de la présidentielle de 1988 ou le Premier
ministre de la cohabitation compte bien affronter le président sortant.
Pasqua envoie Marchiani négocier à Damas.
A son retour, Chirac expulse le chef des moudjahidines iraniens,
Moussad Radjavi. (déjà !) En échange, deux otages sont libérés.
Les négociations reprennent mais achoppent très vite sur l’évaluation de la
somme due par la France à L’Iran.
Paris qui fait la sourde oreilles est secoué par les attentats. Dix morts,
près de deux cents blessés.
Chirac double les prêts à l’Irak, offre trois cent mille tonnes de blé
à la Syrie et reconnaît la dette de la France à l’égard de l’Iran (un milliard
et demi) et s’engage à réintégrer Téhéran dans le capital d’Eurodif.
L’ingénieur général Besse qui proteste est
assassiné.
Michel Baroin qui menace de révéler les dessous financiers d’une
négociation à laquelle il a participé meurt dans un accident d’avion.
Puis, Chirac fait libérer l’assassin de Chapour Bakhtiar,
Anis Naccache et le terroriste iranien Gordji, responsable des
attentats parisiens.
Le juge Boulouque qui l’avait fait incarcérer
se suicide.
Chirac n’en récidive pas moins. Mouzekher, militant du Hezbollah
détenu en France depuis un an est libéré.
L’Iran relâchera finalement les otages le 5 mai, trois jours avant le
second tour.
Plus tard, Rafsandjani assurera que c’est Chirac qui a exigé
que cette libération soit reportée au lendemain du premier tour de la
présidentielle en France et, de son coté, le cheikh libanais Zein,
chef religieux de la communauté chiite d’Afrique, chargé de négocier une rançon
de trois millions de dollars, se plaindra d’avoir été évincé par Marchiani
et un libanais, I. Sada, qui voulaient s’attribuer le mérite de la
libération des otages.
Après la libération des otages, Chirac signe un accord de
"participation directe de l’Iran au capital d’Eurodif" et garantit "l’octroi
sans restrictions, par le gouvernement français, de licences d’exportation
d’uranium enrichi d’Eurodif vers l’Iran".
Mitterrand réélu récuse cet accord. En septembre 1989, un DC10 de
la compagnie UTA reliant Brazzaville à Paris explose en plein vol (171 morts),
attentat revendiqué par le Jihad islamique au nom d’un "non-respect des
promesses faites" lors des "négociations entre Paris et Téhéran".
L’accord franco-iranien consacre finalement l’actionnariat iranien dans
Eurodif et son droit de retirer sa part d’uranium.
Entre temps, en Nouvelle Calédonie, le 22 avril 1988, un commando
terroriste tue quatre gendarmes et emporte 27 otages à Ouvéa.
L’île d’Ouvéa est aussitôt fermée à la presse.
Six hommes du GIGN se laissent prendre en otage.
Le 5 mai 1988, un assaut libère les otages laissant dix-neuf morts du côté
indépendantiste et deux du coté des militaires.
Le capitaine Barril assurera que sans un ordre de l’Elysée,reportant
l’opération de 48 h qui annula l’effet de surprise, les ravisseurs
n’auraient pas résisté.
Aujourd’hui, en Corse, le bruit court qu’un émissaire a négocié l’arrestation
en douceur de Colonna à la veille du référendum.
Fils d’un ancien député socialiste, Colonna n’avait pas le choix.
C’était ça ou l’exécution sans phrase au cours d’une fusillade avec les
forces de l’ordre.
Mais comme en 88, le plan tordu de Chirac a lamentablement foiré. Le
hanneton n’est décidément pas Machiavel.
Loyalistes trahis et indépendantistes trompés ont voulu punir Chirac
et Sarkozy a payé.
Aujourd’hui, empêtré dans les combines de l’Elysée, il mange son chapeau :
« c’est un échec personnel ».
On pense à Georges Mandel dont Clemenceau disait