LETTRE OUVERTE DE À MONSIEUR LE
MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE
Marie-Jeanne REY
janvier1995
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Suite au cours rédigé par monsieur Jean
Martin, diffusé par le centre de Vanves, et qui porte l'estampille
"Ministère de l'éducation Nationale".
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Vos écrits, vos propos, vos efforts pour redonner à la
France une Education Nationale digne de ce nom, ainsi que votre personnalité
m'inspirent une grande considération et, j'ose le dire, de la sympathie.
C'est pourquoi je m'adresse à vous avec confiance pour évoquer un scandale
qui me choque profondément.
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Depuis longtemps nous sommes nombreux à avoir remarqué la
malhonnêteté avec laquelle certains manuels d'histoire relatent la
colonisation de l'Algérie et surtout sa décolonisation. Certes, un quasi
consensus politique s'est formé pour justifier, sur ce sujet du moins, toutes
les actions du gouvernement de l'époque, certes, les Français ont trouvé
bien commode de disposer d'un bouc émissaire, c'est une explication, pas une
excuse. Sans provoquer de réactions, une entreprise de falsification de
l'histoire s'est développée.
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Plusieurs générations de collégiens et de lycéens ont appris à
mépriser sinon à haïr une communauté pas plus coupable qu'une autre, c'est
le moins qu'on puisse dire, et frappée parle malheur. Je veux parler bien
sûr des français d'Algérie. Comme s'il s'agissait de faits
incontestables de grossières contre-vérités ont été assénées à ces
enfants sans aucune vergogne.
J'ai reçu récemment un cours rédigé par monsieur Jean Martin,
diffusé par le centre de Vanves, et qui porte l'estampille "Ministère
de l'éducation Nationale". Ceci constitue je pense une sorte
d'imprimatur. On m'assure, circonstance aggravante, que cet opuscule désolant
est destiné aux candidats de l'agrégation et au C.A.P.E.S. Adultes, futurs
professeurs, ils devraient avoir en mains tous les éléments pour exercer
leur esprit critique. Ce n'est pas le cas. L'auteur se permet des erreurs
matérielles indignes d'un instituteur débutant, il omet des évènements
d'une importance primordiale et présente constamment ses opinions
personnelles comme des vérités premières.
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Je me contenterai d'attirer votre attention sur trois paragraphes.
Page 31, Monsieur Martin écrit : "Les
accords d'Evian ne furent pas respectés et ne pouvaient pas l'être
puisqu'ils comportaient essentiellement des dispositions en faveur des
français
d'Algérie et que ceux-ci avaient choisi de ne pas y rester ("retour"
vers un pays qui pour beaucoup n'avait jamais été le leur ni celui de leurs
ancêtres ... )".
http://www.algerie-francaise.org/evian/index.shtml
Monsieur Martin ignore sans doute que le
représentant du FLN à l'ONU avait déclaré avant la signature des accords
d'Evian qu'il n'était pas question pour l'Algérie de les respecter.
Il n'a probablement jamais entendu parler des spoliations totales et
immédiates qui se sont produites avant même l'indépendance sous les yeux
de l'Armée Française. De nombreuses familles, souvent très pauvres,
furent "invitées" à quitter leurs logements en moins d'une minute,
sans emporter ni argent ni vêtements de rechange. Je l'affirme sans
hésitation car je l'ai personnellement constaté. Monsieur Martin,
fort prolixe à propos des attentats de l'OAS, oublie les milliers de
français, hommes, femmes et enfants, après la signature des accords,
soumis à des supplices atroces ou conservés comme esclaves. Il trouve
inutile de rappeler que les autorités françaises avaient ordonnés aux
militaires de ne pas intervenir, et que jamais notre gouvernement ne réclama
la restitution des survivants. Monsieur Martin "sait" que les
Français d'Algérie avait "choisi"... Je suppose donc qu'il a
questionné ces familles dépossédées de tout, qu'il s'est rendu dans les
bordels de l'ALLA pour interroger les garçons et les filles consacrés au
repos du djounoud... A-t-il aussi fouillé au fond des charniers et recueilli
l'avis des restes innommables de ceux qui n'eurent pas le temps de "choisir"
?
http://www.algerie-francaise.org/cimetiere/
D'autre part on peut se demander quelle signification
l'auteur donne au mot pays. Ce vocable englobe-t-il pour lui la notion de
patrie ? En tout cas, cela ne fait pas de doute, le lecteur traduira "Beaucoup
n'était pas des français". Je m'étonne que l'éducation
nationale n'interdise pas formellement de telles allégations. Il semble même
qu'elle les cautionne. Si pour la République Française la France n'était
pas le pays de beaucoup de Français d'Algérie, il fallait le dire... avant.
Avant 1870, avant 1914, avant 1939, avant 1942-1943. La France n'a pas trouvé
déplacé de mobiliser 16,4% de la population d'origine Européenne en
1943, effort qu'elle n'a jamais demandé à la métropole même en 14-18. Ces
"Européens" d'Afrique du Nord ont fourni environ 40% de la
première armée qui débarqua en Provence et 80% de 2ème DB. Pour la
seule campagne d'Italie, plus de 15% des effectifs furent mis hors de
combat. Personne ne semblait douter alors que ces hommes ne fussent Français.
Lors de commémorations récentes on n'a pas prétendu non plus que la quasi-totalité
des troupes "Françaises" étaient composées d'étrangers, on a
même systématiquement "oublié" de signaler que ces
combattants "Français" étaient aussi "Pieds-Noirs".
Ce sacrifice sanglant, sans guère de précédent, il fallait le refuser
!... Ou s'interdire à jamais des marques d'ingratitude aussi indignes.
A la même page 31, trois lignes au-dessus, je lis avec une
stupéfaction horrifiée "Manifestations d'enthousiasme de la foule
algérienne, mais le 5 juillet l'O.A.S fit encore 95 victimes à Oran".
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Comment cet homme a-t-il osé ?
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Il est infiniment improbable que l'OAS ait fait la moindre victime le 5
juillet 1962 à Oran, et pour cause, on sait bien ce qui s'y est passé...
Dès 10 heures du matin, et toute la journée, et toute la nuit suivante, des
centaines et des centaines de Français ainsi que des musulmans qui avaient
tenté de s'interposer furent assassinés, suppliciés, par des Algériens
"enthousiastes" et ivres de sang. Déshonorant leur pays, les
autorités françaises attendirent la fin de l'après-midi pour autoriser les
troupes à sortir des casernes et à sauver quelques vies. Le FLN essaya de
minimiser les faits qu'il attribua à des "éléments incontrôlés".
Mais en France, grâce à l'efficacité de la censure, le public ne fut
pas informé. Et aujoud'hui, voilà ce qu'on écrit !
http://www.algerie-francaise.org/katz/
Il n'y a pas de pardon possible pour un mensonge aussi
monstrueux.
Je terminerai par un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Madame Dessaigne
et moi-même le connaissons fort bien, d'abord pour avoir vécu l'évènement,
ensuite parce que nous nous sommes livrées pendant deux ans à une enquête
approfondie. Il s'agit de la fusillade du 26 mars 1962 à Alger. Nous
avons étudié les archives, recherché, retrouvé et interrogé en grand
nombre des témoins, blessés, médecins hospitaliers, habitants du quartier,
presque tous les officiers du 4ème RT, presque tous les généraux
responsables du maintien de l'ordre, le préfet de police...
("Un
crime sans assassins", M.J.
Rey et F. Dessaigne, (TOP SECRET)
Ed. (1994). Achevé
d'imprimer en juin 1999 sur rotative Variquik par l’imprimerie SAGIM à
Courtry (77) pour le compte des EDITIONS CONFRERIE-CASTILLE B.P.
43 94202 IVRY-SUR-SEINE Tel. : 01 48 43 56 98 - Fax : 01 64 29 35/19)
Il est vrai que l'OAS avait appelé à manifester dans
le calme contre le blocus inhumain que subissait le quartier de Bab-El-Oued,
il est vrai aussi que la manifestation était interdite. Pour le reste...
Voici ce qu'en dit Monsieur Martin dans un
paragraphe consacré aux attentats de l'OAS,
rejetant la responsabilité sur cette organisation :
"L'affaire la plus grave fût sans doute celle de la
rue d'Isly à Alger (26 mars 1962), manifestation d'Européens réprimés par
un régiment comptant surtout des musulmans, 46 morts européens, 10 musulmans
tués en représailles. C'était titi coup très dur pour l'OAS, qui dès lors
n'eut plus qu'un seul mot d'ordre: "la chasse à l'Arabe !"...
"
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Tout serait à reprendre, y compris les chiffres, je tiens surtout à
préciser les points suivants :
Quand on ouvre le feu sur une foule calme, pacifique, quand on tire pendant 12
minutes sur des hommes, des femmes et même des enfants couchés au sol sans
défense, quand par exemple un médecin qui portait secours à un blessé est
abattu à bout touchant, ce n'est pas de la répression, cela s'appelle un
massacre.
Quant aux responsabilités elles n'appartiennent pas à de simples tirailleurs
frustes, inquiets pour leur avenir et prêts à basculer du côté de l'ennemi,
soigneusement mis en condition, n'ayant pas mangé, n'ayant pratiquement pas
dormi depuis deux jours et de toute façon incompétents. D'ailleurs on avait
donné à leurs officiers l'ordre de tirer si les manifestants insistaient,
ils ne firent qu'obéir. Le général Ailleret, Commandant en chef,
averti de l'inéluctabilité d'une catastrophe, avait signé le 17 mars une
note interdisant l'emploi de tirailleurs face à la foule européenne. Malgré
cette défense formelle, le 4ème , régiment de tirailleurs fut placé au
centre du dispositif de " sécurité ". Ce qui ne pouvait qu'arriver
se produisit. La note 905 du général Ailleret disparut des
Archives ( il n'en reste que le bordereau ). Aucun
général, aucun responsable civil ne fut inquiété pour cette
désobéissance meurtrière. Aucun ne semble éprouver des regrets.
Le général Ailleret, lui, fut, fort peu de temps après, appelé à
de nouvelles fonctions...
Par ses conséquences, la démoralisation totale des Français d'Algérie et
leur renonciation à la résistance, le 26 mars est une date importante de
l'histoire. Pourtant, sans approuver, on pourrait comprendre qu'un auteur
français soit saisi de honte et renonce à l'évoquer, car c'est aussi hélas
une énorme tache sur le drapeau français.
Mais le 26 mars est surtout un drame humain. Je n'ai que trop abusé de
votre attention.
Vous comprendrez le sentiment d'horreur indicible qui étreint ceux que cet
évènement a déchirés quand ils lisent des textes aussi honteux que celui
de Monsieur Martin.
http://www.algerie-francaise.org/ailleret/
Monsieur le Ministre, vous ne contraindrez jamais les
historiens de l'Education Nationale à dire la vérité. Sur ce point je n'ai
aucune espérance. Accepterez-vous de faire un geste en les rappelant au moins
à un minimum de décence ?
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Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma confiance et
de ma considération.
Marie-Jeanne REY
"Un crime sans assassins",
M.J. Rey et F. Dessaigne,
Ed. Confrérie- Castille (1994).
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A NOTRE
CONNAISSANCE LES MANUELS D’HISTOIRE CONTINUENT DE COLPORTER UNE SEULE
VERSION CELLE DES GAULLISTES ET DES COMMUNISTES.
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