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PARTIE  - 3 -

Du général Challe, dans son livre : " Notre Révolte "


P.163 - Cette note fait apparaître le désarrois le plus complet.
Si je comprends bien, je suis accusé de n'avoir pas l'armée en main et en même temps j'ai la confiance du gouvernement. Mais manque de sang-froid et les exagérations ne doivent pas cacher l'essentiel. Fin janvier 1960 ce général venait me dire de la part du gouvernement :
1) Que l'Algérie devait rester Française ;
2) Qu'il n'était pas question de mener une action de guerre contre des Français, car les femmes et les jeunes gens dont parle Ely sont mélangés aux hommes. Et tout le monde le sait.
Et ces directives correspondent très exactement au sens de mon action !
Au même moment je reçois une lettre de Michel Debré ; me disant entre autre :
" Vous devez savoir que la politique française a été clairement définie, et, comme il a été dit, continuera.
Elle est présentement la seule, le monde étant ce qu'il est(sic !),à pouvoir assurer la défense des Français, de leurs intérêts, la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la France et, le maintien de l'autorité française en Algérie. 
Cela sera dit, cela sera redit par le chef de l'Etat qui parlera vendredi à la nation tout entière. "

Je crois que ceci se passe de tout commentaire.

Le 29 janvier, de Gaulle fit son fameux discours dans lequel il disait souhaiter la " solution la plus française ".
La solution la plus française étant dans son esprit forcement la sienne, et pour les auditeurs, forcement, l'Algérie française. Un orage extraordinaire s'abattit à ce moment sur Alger. Si de Gaulle en fut averti, ce déchaînement wagnérien des éléments plut sans doute au plus grand comédien français de tous les temps. Et puis, cela vous avait un petit air de Moise sur le Sinaï !
Les tractations avec le fortin Lagaillarde allaient bon train, mes troupes étant plus fraîches et beaucoup plus nombreuses. Le dimanche 31 pourtant la journée fut encore difficile.
Apres soixante-douze heures de palabres, le lundi matin 1er février, les révoltés sortaient de leur fortin, se rendaient et étaient amenés au camp de Zeralda, où un certain nombre devaient former un commando opérationnel et être engagés dans les djebels avec le 1er R.E.P.

Mais Crépin s'était permis de téléphoner directement à Paris pour demander des consignes.
Je compris que mon heure avait sonné. 
Cependant lorsqu'il demande à de Gaulle ce qu'il doit faire et s'il doit donner, en cas de pression de la foule, l'ordre d'ouvrir le feu, Crépin reçoit la consigne de patienter encore vingt-quatre heures. C'est qu'il est très facile de souhaiter qu'un subordonné se montre implacable, mais qu'il est plus difficile de l'être soi-même quand on doit en prendre directement la responsabilité.

Le jeu consiste à désavouer le subordonné après coup, parce qu'il a été trop dur ou pas assez, est pratiqué depuis toujours par les hommes politiques, même par ceux qui se veulent très supérieurs. C'est habituel et pas très joli, mais il paraît que c'est cela la politique.
Pour moi c'en est la contrefaçon. Et encore faut-il que le subordonné se laisse faire.

A Paris on avait eu très peur : certains pensaient qu'un nouveau 13 mai 1958 sortirait de cette révolte algéroise, d'autres que la République était en danger. On ne comprenait toujours rien aux questions algériennes. Cependant l'attitude des militaires inquiétait. Soucieux de ne pas verser le sang de leurs frères même révoltés mais aussi de rester les maîtres de la situation algérienne, ils faisaient penser aux entourages de l'Elysée et de Matignon que l'on ne pourrait ni les tromper beaucoup plus longtemps, ni donner des directives pour l'Algérie française tout en jouant progressivement la carte du G.P.R.A.
Il fallait donc en premier lieu changer le commandant en chef qui se permettait de choisir ses procédés d'exécution et dont la notoriété parmi les militaires était devenue trop grande depuis qu'il avait montré qu'il pouvait gagner.(1) Annexe lettre de de Gaulle
Le 28 janvier, l'avenir reposait sur lui, " Avenir de l'Algérie certes, mais avenir de l'armée et du pays " ! (1)Annexe lettre de de Gaulle
Le 1er février il venait à bout, sans rien casser, de la révolte.
Le 6 février on lui annonçait qu'il serait muté.
Il fallait le mettre sur une voie de garage où il ne put jouer aucun rôle actif.(1) Annexe lettre de de Gaulle.
Il importait de déposséder les militaires, bien que la guerre ne fut pas terminée, des pouvoirs considérables qui leur permettaient de mener à bien la pacification.
Enfin, les unités territoriales s'étant montrées à Alger du coté de la population il fallait les désarmer et les dissoudre pour qu'à l'avenir la résistance de la population fut moindre.
Ainsi dans la plupart des départements les pouvoirs des autorités civiles furent notablement augmentés et les militaires dépossédés dans la même mesure. De plus, on fit venir de nombreux préfets et sous-préfets de la métropole spécialement choisis pour leur ignorance des réalités algériennes.
(1)-
Cette vague de nouveaux fonctionnaires conditionnés fut surnommée par l'armée " Promotion de la Grande revanche ".

Les unités territoriales furent dissoutes et la Fédération des U.T. et des auto-défenses mises en sommeil. Or j'ai déjà dit que c'est sur elles que je comptais pour terminer la guerre et surtout assurer la paix.
Enfin il fut décidé par de Gaulle que je serais remplacé par un militaire plus souple, plus compréhensif. Mais il ne pouvait plus être question de me donner, comme cela m'avait été écrit, la plus haute charge militaire française, car j'aurais pu ne pas y être assez soumis. Et c'est ainsi que j'échouai à Fontainebleau, au commandement des armées alliées de Centre-Europe. 

Pour ne pas avoir changé Alger en nouveau Budapest et pour avoir montré que j'avais malgré les doutes parisiens, l'armée d'Algérie en main, j'avais manqué l'occasion d'être un grand homme… de la Vè. République !

Mais si les mesures générales furent très vite prises, l'occasion était favorable, celles qui me concernaient me furent annoncées avec beaucoup de ménagements.
Dame ! A la tête de 500.000 hommes et avec des idées personnelles, j'étais un homme dangereux ! Et cependant j'étais sans doute plus démocrate que l'Elysée et Matignon réunis.
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P.167 - Au bout de quinze jours on ne parlait plus du remplacement d'Ely. Enfin, après mon dur labeur des dix-huit derniers mois, il fallait que je me repose un peu pour arriver très frais à Fontainebleau.
Je dois avouer que je ne mettais pas beaucoup de bonne volonté à jouer dans cette comédie. Le " Yakevouki " que l'on vous sert depuis la plus tendre enfance quand il faut vous faire absorber de l'huile de foie de morue ne m'émouvait plus. Je m'accrochais même désespérément à mon poste.

En effet, par les prisonniers que nous faisions j'étais au courant du moral des rebelles. Et il était très mauvais. Les accusations des fellaghas contre l'impéritie du G.P.R.A. étaient incessantes. Un gradé important pris vers Palestro avoua que les cadres en avaient assez et voulaient rentrer chez eux.

Pour moi la paix était donc une affaire de quelques mois. 

Seuls les Aures-Nementcha que j'avais donné l'ordre d'attaquer avec trois divisions le 19 avril, et une faible partie de la wilaya 2, avaient encore une structure valable. Le reste de l'organisation rebelle était tronçonné, disloqué. Les transmissions ne se faisaient plus que par estafettes car nous avions pris tous les postes radio. Les bandes étaient réduites à quinze hommes et moins. Elles étaient sur la défensive, ne songeant qu'à échapper à notre étreinte et, pour ne pas se signaler, ne tiraient plus au fusil mitrailleur quand il leur en restait.
C'est alors que survint ce que l'on appelé l'affaire Si Salah.


P.169 - Mais je n'entendais pas partir à la sauvette. Nous eûmes avec Debré une dernière conversation assez violente dans un bureau du Palais d'Eté, au cours de laquelle je lui demandai si son gouvernement avait besoin de chefs militaires ou de descentes de lit et je partis en claquant la porte.

Dans notre beau pays qui vit dans le passé tant de caractères, tant d'hommes d'honneur aussi bien civils que militaires, on est considéré comme un général républicain que si on se couche.
Sans remonter très haut dans l'Histoire, les exemples abondent en 1914/18, en 1939/45 et depuis.
Cela ne peut tenir qu'à la toute petite envergure de nos politiciens depuis un demi-siècle.
Le délégué général Delouvrier me fit grâce, allant à Paris, d'intercéder pour moi. Et le 19 avril alors que je déjeunais à l'hôtel de la division d'Oran avec le général Gambiez commandant le corps d'armée et ses principaux officiers, Delouvrier me téléphona en me disant : " J'ai enlevé le morceau, vous partirez le 23. Je vous en raconterai une bien bonne à mon retour. "
Il me la raconta effectivement. Pour obtenir que je ne parte que le 23 avril, il avait dû aller jusqu'à de Gaulle et lui faire signer un papier. Comme il sortait du bureau de de Gaulle il alla dans un bureau à coté pour me téléphoner la nouvelle.
Il y rencontra Chodron de Courcel, qui apprenant ce qui venait de se passer, lui dit : " Il n'est pas possible que Challe soit en Algérie au moment où de Gaulle part pour le Canada. "
Voilà le secret de cette hâte, de ce remue-ménage malodorant.

Comment font pour vivre vieux ces personnages qui suent de peur à toute minute ?
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P.175 - Nous avons tous, et moi le premier, un tort : c'est de ne pas avoir été les plus forts. Il s'agit de voir en détail pourquoi, afin que notre exemple puisse un jour servir.
A mieux faire.

Que le général CHALLE et ceux qui l'on suivi, se rassurent. Son exemple sera toujours présent dans notre mémoire. Nous et les nouvelles générations serons toujours là pour le rappeler. 

Lors du voyage de de Gaulle en Algérie en décembre 1960, un début d'insurrection civile eut lieu, à Alger en particulier.
Le mouvement très fragmentaire et non coordonné échoua.
Seuls des jeunes gens avaient été lancés dans la bagarre et malgré leur courage et leur action de plusieurs jours ils ne purent tenir contre les forces de répression.
Quelques militaires seulement avaient été consultés. Devant l'impréparation manifeste et le peu de profondeur du mouvement, ils refusèrent au dernier moment de participer à ce qu'ils estimaient une tentative vouée dès le départ à l'échec. 
Il faudra d'ailleurs mettre au clair, un jour, dans quelle mesure le gouvernement joua dans cette affaire le rôle de catalyseur. 

Suite partie - 4 -

 
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