De toutes ces expériences, la plus douloureuse demeure
l'Algérie.
Pierre Messmer souligne l'aveuglement de ce groupe d'officiers, retour
d'Indochine, qui ont cru que la guerre psychologique était affaire de pure
technique et que l'adversaire n'était qu'un mouvement révolutionnaire, une
forme du communisme International.
Ils n'ont pas vu, au milieu du visage du peuple algérien, le signe de l'irréductible
islam. Pour Messmer, cet aveuglement a eu comme conséquences directes,
d'abord, le « serment » par lequel tant d'officiers se sont eux-mêmes liés ;
ensuite, le rôle si important donné par les officiers aux supplétifs, aux
groupes d'autodéfense, aux harkis - enjeux et acteurs de l'« action
psychologique », Il accuse le commandement et ses prédécesseurs d'avoir laissé
se mettre en place cette machinerie dangereuse, qu'il ne put complètement démanteler,
et dont une des conséquences sera le «le calvaire des harkis.»
LE SORT DES HARKIS
C’est l'un des temps fort de ce livre si intense, que celui où l’ancien
ministre des Armées s’interroge sur sa responsabilité personnelle dans cette
tragédie. Il ne se contente pas de dire qu'il refusa purement et simplement
d'appliquer une directive de Louis Joxe, qui aurait interdit les « entreprises
de rapatriement », tout en prescrivant de ramener en Algérie les
harkis qui étaient passés en France du fait d'Initiatives individuelles.
Il fournit des chiffres surprenants : sur les quelque cent mille harkis (ou
femmes et enfants de harkis) sauvés, la moitié l’auraient été grâce à
sa désobéissance. (Quel culot!)
Aujourd'hui, nous connaissons mieux le sort de ceux qui sont restés en Algérie,
à l'abri des accords d'Evian. Messmer est sévère pour ce qu'il considère,
référence à l'appui, comme l'optimisme « de Louis Joxe. II se
reproche de ne pas être allé voir le Général pour lui demander une «déclaration
dénonçant les exécutions du FLN et exigeant leur arrêt - au moins, l'honneur
eût été sauf".
La gesticulation en Afrique
Ces massacres, nous en ignorions l'étendue, mais nous en devinions
l'existence et contradictoires que fussent les informations disponibles : elles
étaient brouillées, circonstance atténuante, par les mensonges du nouveau
totalitarisme algérien, ainsi que par l'aveuglement de nos « porteurs de
valises - (non pas celles des rapatriés) et de la presse qui les soutenait. Ce
sang, nous l'avons laissé verser sans un mot. II est juste de regretter
le mutisme accable qui avait saisi ceux d'entre nous qui savaient.
Ils ont été abandonnés – Ils ont tous été égorgés
Mais II ne faut pas oublier que ce sang, ce sont des Algériens qui l'ont versé.
On comprend que Messmer conclut abruptement ce chapitre dramatique par
cette simple phrase :
« Je ne suis jamais retourné en Algérie, et je n'y retournerai jamais.
Ce pays me fait horreur. »