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PARTIE - 2 -
Du général Challe, dans son livre : " Notre Révolte "
P.153 - Plusieurs jours après cette interview et l'ayant oublié, je m'endormais vers 23 heures ou 24 heures du sommeil du juste, quand on me passa Michel Debré au téléphone.
D'une voix dramatique il me demanda si j'avais lu l'article de Kemski. Je lui répondis que non. Il me dit alors que Massu avait raconté des choses abominables et critiqué le chef de l'Etat. Je lui répondis : " c'est Kemski qui le dit. " " dans ce cas me répondit Debré, il me faut un démenti immédiat. " " Bien " Et je raccrochais. Je trouvais assez rapidement Massu au bout d'un téléphone et lui racontai l'entretien. Massu me dit : " Je n'ai pas lu l'article en question mais s'il est chargé comme on vous l'a dit, il est faux et je démens. "
Je rappelai le Premier ministre et lui dis " Massu dément " et je me rendormis.
L'affaire, hélas, ne faisait que commencer. Car de Gaulle avait estimé subir une insulte et Massu, accusé de crime de lèse-divinité, fut convoqué à Paris par Guillaumat. Celui-ci rédigea avec Massu une mise au point qui, pensait-il terminerai cette affaire. Cela ne fit que l'envenimer car de Gaulle était déjà décidé à ce que Massu ne retourne point à Alger. Sur ses entretiens, j'arrivai à Paris avec Delouvrier pour une réunion sur l'Algérie qui devait se tenir le 22 sous la présidence de de Gaulle et à laquelle les commandants de corps d'armée et les Igames devaient être présents. Je tenais à ce que Massu revienne avec moi à Alger. J'aurais pu évidemment trouver un autre commandant pour le corps d'armée d'Alger, car Massu, malgré ses qualités guerrières indéniables, ne m'était pas indispensable pour gagner cette guerre. Mais il était celui qui avait non pas prévu ou préparé mais organisé le sursaut du 13 Mai. Pour les Algérois, il était l'ancien commandant de la 10eme division parachutistes à la tête de laquelle il avait gagné en 1957 la bataille d'Alger. Son franc parler ex abrupto, et donnant l'impression de n'avoir pas été étudié, plaisait aux foules et à leurs représentants dans les comités de salut public : il était le grand soldat des Algérois. Il était même considéré par beaucoup de " pieds-noirs " comme le symbole militaire de l'Algérie française et le dernier rempart avant " la valise ou le cercueil ". J'étais évidemment très loin de partager cette opinion mais je la connaissais et j'en redoutais les éclats.
Pendant trois jours à Paris je fis tout ce qui était humainement possible pour ramener Massu à Alger. Je convainquis tout le monde sauf…de Gaulle. Pourtant je vis ce dernier au moins trois fois seul ou à plusieurs et chaque fois je ramenais l'affaire sur le tapis.
Le 22, après la réunion à laquelle Massu n'avait pas été convié, je tentai une dernière démarche avec Debré, Delouvrier et Guillaumat : ce fut en vain. De Gaulle me répéta d'un air exaspéré : " il ne se passera rien. " Je lui répondis une nouvelle fois : " Le sang va couler à Alger. " A la sortie je dis à Debré et à Guillaumat : " Je repars pour Alger, je vais au-devant d'une mauvaise histoire. Quand elle sera terminée, si je suis resté maître de la situation, ce qui n'est pas certain, je quitterai mon commandement et l'armée " et je remis au général Ely une demande de mise en congé.
(1)-
Apres l'affaire, je ne renouvelais pas cette demande, car je m'accrochais pour durer jusqu'à la fin, que je savais proche, de cette guerre.
Entre-temps le colonel Alain de Boissieu, gendre de de Gaulle et mon ancien chef de cabinet m'avait raconté une histoire rocambolesque : le chancelier Adenauer aurait adressé à de Gaulle une lettre sur Kemski, lui disant que ce dernier avait pris avec un magnétophone de poche toute la conversation avec Massu et qu'il fallait par conséquent faire très attention aux démentis à ce sujet.
Qui voulait-on tromper et qui voulait-on tromper avec cette histoire ?
Toutes sortes d'hypothèses sont possibles et j'en laisse la solution à ceux qui après-coup, trouvent reponse à tout.
Je partis avec Delouvrier à Alger en fin d'après-midi du 22 janvier 1960.
Suit l'affaire des barricades. Challe écrit dans son renvoi 1 de la page 155 : que le meilleur récit,, dans la plupart de ses lignes exact, est celui de Claude Paillat dans le Dossier secret de l'Algérie (Livre contemporain).
Je releverai simplement un détail très important pour rafraîchir les mémoires à la page 157 ou Challe écrit :
La manœuvre elle-même n'avait pas été mal montée.
Par un mouvement de tenaille, les paras de Dufour par la rue Michelet, le tunnel des Facultés, le boulevard Pasteur devaient se joindre avec
les gardes mobiles de DEBROSSE, partis du Forum. L'exécution fut mauvaise et tous les exécutants accusèrent…les autres !
La progression des parachutistes fut lente mais elle correspondait à l'idée de manœuvre qui voulait que les positions soient prises en souplesse et sans heurts.
La descente des gardes mobiles sur le boulevard Pasteur fut une VERITABLE CHARGE.
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Les enquêtes ne donnèrent rien car dans l'affolement général les témoignages, fort nombreux, se contredisaient.
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P.158 -
Il est indéniable que la manœuvre des gardes fut une erreur grossière.
Quels furent les provocateurs ?
Des hommes du F.L.N. ? Des émissaires des officiers proches de l'Elysée ? Des gens d'Ortiz ? Je n'en sais rien mais toutes les hypothèses furent émises. Peut être un jour apprendra-t-on la vérité.
Je pense que l'esprit de vengeance qui animait DEBROOSE, le conduisit à prendre la tête des barbouzes de la gendarmerie mobile à Alger à la caserne des Tagarins, où de centaines de
pro-Français Musulmans compris, furent torturés et abattus. Les disparus se comptèrent par milliers. Ceux-là ne seront jamais poursuivis comme l'a été
Aussaresses.
Je pense aussi que ces barbouzes recrutés et payés par les contribuables Français eurent droit aux mêmes médailles que les militaires qui se faisaient tuer dans les djebels en pourchassant les hordes d'assassins du FLN qui écumaient les régions massacrant enfants, femmes et vieillards désarmés.
Du dimanche au mercredi soir les renforts affluèrent et le mercredi soir, j'avais assez de troupes pour maintenir l'ordre sans changer le centre d'Alger en nouveau Budapest, ce que je ne voulais faire en aucun cas.
C'est ce que je déclarais à Michel Debré lorsqu'il vint de Paris dans la nuit du lundi 25 au mardi 26 janvier. En effet, malgré ce que j'avais dit et redit à Paris personne n'avait voulu me croire et la nouvelle du plateau des Glières fit l'effet d'une bombe. Ce fut l'affolement.
Debré, ce jurisconsulte intelligent et falot, énergique en paroles et indécis dans ses actes, fut chargé par de Gaulle de venir à Alger se rendre compte sur place. Car dès la nouvelle de la fusillade du dimanche 24, les conseils donnés à des gens qui sont en plein dans l'action par ceux qui n'y sont pas.
Il me souvient même d'avoir eu des réponses assez brèves lorsque ce qui m'était dit était par trop hors saison.
Debré, Guillaumat et Morris accompagnés du général Nicot arrivèrent en fin de soirée du 25 à mon P.C.Rignot où depuis la veille Delouvrier m'avait rejoint pour qu'en raison de la gravité de la situation les consultations entre nous deux puissent être permanentes et immédiates. Nous leur fîmes le point de cette situation après un préambule où il me fut hélas trop facile de leur dire : " Je vous avais prévenu, vous n'avez pas voulu, de Gaulle n'a pas voulu, me croire et maintenant voilà : nous sommes dans le bain et vous aussi. "
Ensuite Delouvrier et moi présentions la solution : que de Gaulle et son gouvernement se décident une bonne fois à être nets et précis, à ne pas se servir de phrases à double sens, à déclarer qu'ils voulaient pour l'Algérie l'option française et la révolte tombera d'elle-même. J'insistai en suite pour que Debré reçut les quinze officiers généraux ou colonels chefs de corps que j'avais pu rassembler en quelques heures afin qu'il ne crut pas que j'étais seul de mon avis et qu'il connut l'ambiance de l'armée.
Il les reçut un par un. Malgré le respect qu'ils devaient au chef en titre du gouvernement, les officiers lui firent rapidement comprendre en quelle estime ils le tenaient, lui et ses palinodies. Deux hommes aussi différents que le colonel Argoud, chef d'Etat-major de Massu, et mon chef d'Etat-major le colonel Georges de Boissieu furent avec lui très violents. Apres avoir vu encore quelques notabilités algéroises, Debré repartit vers 4 heures du matin, parfaitement fixé et sur l'ambiance et sur la situation et sur nos pensées.
Son visage était verdâtre et décomposé. Je comptais qu'il se souviendrait assez de sa nuit d'Alger pour essayer d'influencer le général de Gaulle si tant est que quiconque puisse influencer un personnage qui se moque de la planète Terre et de ses habitants comme peut le faire un martien.
Je comptais aussi sur l'intelligence nette et démonstrative de Guillaumat dont je redoutais par ailleurs le manque total de chaleur humaine. D'accord avec Debré, j'envoyai à Paris pour expliquer aux puissances de l'Empyrée la situation algéroise, le colonel Georges de Boissieu et le lieutenant-colonel Dufour, puis le général Crépin, ancien de la 2eme D.B. et compagnon de la Libération.
Boissieu et Dufour revinrent en me disant : " De de Gaulle au dernier des ministres, ils n'ont rien compris . "
Je sus ensuite qu'à Paris on avait dit d'eux : " Ils sont fous. "
Voilà quelle était la compréhension réciproque.
Quant à Crépin, je ne sais pas ce qu'il pu dire, mais l'impression qu'il donna fut assez bonne pour qu'il fut appelé très vite à me remplacer.
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P.160 - Une belle nuit, vers 2 heures du matin, alors que je venais de m'allonger dans mon bureau, pour essayer de me reposer pendant quelques heures, je vis arriver deux hommes venant de Paris. C'étaient M. Mamer, ancien chef de cabinet de Debré et le commandant Lamoulhiate, du même cabinet. L'épisode est mince mais il est bien représentatif des mœurs politiques d'une époque.
Ces messieurs venaient me suggérer de faire descendre les Musulmans de la
Casbah pour qu'une fraternisation grandiose ait lieu sur les barricades, ce qui
devait entraîner et la fin de la révolte et une nouvelle ère d'union.
L'idée n'était pas absolument farfelue mais dans la tension du moment le
risque était trop grand. Il suffisait du jet d'une grenade par un fellagha
camouflé pour qu'une tuerie soit déclenchée et qu'on atteignit le résultat
exactement inverse de celui que l'on poursuivait. Je refusais donc. Il eut été
normal qu'un officier de mon entourage me proposât une telle idée et en réalité
nous l'avions déjà examinée.
Mais ce qui était surprenant c'est que le Premier Ministre, sachant ce que ses
subordonnés venaient dire, les ait laissés venir ou même les ait encouragés.
Cette manière de faire permettait de dire que Paris avait donné le bon conseil
si l'affaire réussissait et de jurer que l'on n'y était pour rien si elle
tournait en catastrophe.
Nous, militaires, gens simples et bornés, nous pensons que lorsqu'un Premier
ministre a quelque chose à dire à un commandant en chef, il peut lui envoyer
un ordre, une directive, un message, une lettre confidentielle ou encore même
lui téléphoner. Mais il n'a pas le droit de jouer le jeu en question.
Si je parle ici de cette mince histoire c'est que je sais par mon expérience et
celle de camarades d'autres armées, qu'elle est assez courante dans les temps
que nous vivons.
Si je la tradui ici, " cette mince histoire " c'est pour démontrer le rôle que jouaient de Gaulle et son entourage à cette époque qui nous fut néfaste
Les vrais Historiens du futur apprécieront et jugeront de Gaulle dans toute sa vérité qui ne fut pas la notre..
P.162- A la base aerienne de la reghaia, à proximité de Rouiba, je recu le general Ely, chef d'Etat-major general, envoyé par le gouvernement qui a peur que je sois trop clement avec les revoltés.
Ce general, qui est mon chef, me remet la lettre susivante :
NOTE POUR LE GENERAL CHALLE
Les vues qui me permettent d'avoir ma position et les responsabilités que j'assume en tant que chef d'Etat-major de la defense nationale, me conduisent à appeler votre attention sur plusieurs elements dont vous avez tres certainement conscience, mazis auxquels dans votre situation actuelle, il vous est sans doute difficile d'accorder l'importance qu'ils ont dans le contexte national et internationalqu'ils ont dans l'esprit du gouvernement et qu'ils auront surtout pour l'avenir du pays.
Trois facteurs dominent la conjoncture presente et les proccupations du gouvernement :
1) Le general de Gaulle est notre seule chance. Sa retraite entrainerait la perte de l'Algerie et bien entendu celle de la France et de l'Occident ;
2) L'Algerie doit rester française. C'est la raison d'esperer des populations europeennes musulmanes et la raison d'agir pour l'armee et la metropole ;
3) Cette annee sera l'element determinant de l'avenir de la France dans la mesure où elle se constituera selon les normes envisagees.
Or les evenements actuels d'Algerie risquent de tout compromettre.
Car vous devez savoir que l'attitude que l'armee a aujourd'hui en Algerie donne à penser à tort, peut etre, mais c'est un fait :
1) Qu'elle est apparemment la caution des insurgés ;
2) Que par susite elle est politisee, plus que cela, qu'elle est prete à se donner une politique differente de celle de la nation ;
3) Qu'elle finira par se separer de la communauté musulmane ;
4) Qu'elle n'obeit plus enfin à ses chefs.
C'est donc son existence qu'en tant qu'armee qui est en cause, sa reputation, la confiance du pays en elle…Et cela au moment meme où la situation s'obscurcit fortement en Tunisie.
Il est par ssuite necessaire et urgent de la reprendre en main etant entendu qu'il n'a jamais ete question de mener une action de guerre contre des Français, mais d'assurer le maintien de l'ordre et non pas du desordre. Et ce serait fausser la pensee du gouvernement que de lui preter l'intention d'attaquer des femmes et des jeunes gens.
Ceci etant, pour reprendre l'armee en main, il importe :
1) De faire appliquer les ordres donnés et les dispositions arretees par vous-meme d'ailleurs ;
2) D'eliminer ceux qui ne veulent pas comprendre ;
3) De placer aux postes clés ceux qui sont à meme de remplir totalement les missions qu'ils recevront.
Je vous demabnde donc d'agir dans ce sens, sans chercher à justifier un passé que je ne discute evidemment pas.
Mais prenez la situation telle qu'elle est dans l'immediat pour la transformer de maniere souhaitable, car l'avenir repose sur vous, avenir de l'Algerie certes, mais avenir de l'armee et du pays.
Vous savez que pour cela vous pouvez compter sur mon appuile plus total ; car vous avez plus que jamais ma confiance. Vous avez celle du gouvernement.
Et voilà lorsque vous lisez le 1er et le 2e :
Le general de Gaulle est notre seule chance. Sa retraite entrainerait la perte de l'Algerie et bien entendu celle de la France et de l'Occident ;
L'Algerie doit rester française. C'est la raison d'esperer des populations europeennes musulmanes et la raison d'agir pour l'armee et la metropole ;
Cela confirme bien les entourloupettes sans cesse evoquees pour endormir le peuple français.
Suite partie - 3 -
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